La saga Batman au cinéma (part. 4) : les projets inachevés des années 90/2000

(Cliquez ici pour lire la 3ème partie du dossier)

L'échec critique et la déception commerciale engendrés par "Batman & Robin" en 1997 n'entament pas la volonté des studios Warner de continuer à produire des films basés sur Batman. Mais il est grand temps de sortir de la continuité du premier "Batman" de Tim Burton (1989) et l'heure est donc à la remise à zéro de l'histoire mais aussi des équipes impliquées.

Il n'est donc plus question que Joel Schumacher réalise un nouveau film. "Batman Triumphant" est annulé dès la sortie en salles de "Batman & Robin", et le projet d'adaptation de la BD "Batman - Year One" par Schumacher en 1998 est refusé par le studio qui ne veut plus que ce réalisateur soit associé à la saga (un avis partagé par les fans), même si celui-ci désire développer une nouvelle approche nettement plus sombre et sérieuse que celle utilisée dans "Batman Forever" et "Batman & Robin".

C'est à peu près à la même époque que Lee Shapiro (responsable des effets spéciaux de la série TV "Seaquest") propose un script nommé "Batman : DarKnight" au studio. Il y est question d'un Bruce Wayne abandonnant sa lutte contre le crime et d'un Dick Grayson désormais étudiant à l'université de Gotham. On y voit le Dr. Jonathan Crane, médecin à l'asile d'Arkham mais aussi professeur en psychologie à l'université de Gotham, utiliser les patients d'Arkham pour effectuer des expériences basées sur la peur et initier involontairement la transformation de son collègue, le Dr. Kirk Langstrom, en Man-Bat (un ennemi apparu dans les comics en 1970). Suite aux agissements de Man-Bat, les habitants de Gotham City croient qu'un Batman assoiffé de sang est de retour et Bruce Wayne ré-endosse alors son costume pour rétablir la vérité. Langstrom, luttant contre sa double personnalité, tente de reconquérir sa femme et de se venger de Crane, ce dernier étant en pleine croisade vengeresse contre ceux qui lui ont fait perdre son poste à l'université de Gotham et à l'asile d'Arkham.
"Batman : DarKnight" est rejeté par les studios Warner.

On murmure également le fait qu'une adaptation du comic-book "The Dark Knight Returns" de Frank Miller, paru en 1986, est sur les rails. Il y est question d'un Bruce Wayne vieillissant qui reprend le costume de Batman malgré son âge avancé. Clint Eastwood y endosserait le rôle de Batman mais aucun réalisateur ne sera attaché à ce projet qui ne dépassera jamais le stade de la rumeur.

Le premier projet sérieux à être envisagé chez Warner concerne toutefois l'adaptation plus ou moins fidèle d'un autre comic-book de Frank Miller ayant connu un très grand succès dans les années 80...

"Batman - Year One" par Frank Miller et Darren Aronofsky


(Cliquez sur toutes les images de l'article pour les agrandir)

Après avoir brièvement envisagé de produire un film live inspiré du dessin-animé "Batman Beyond" où l'on voit un Bruce Wayne âgé qui devient le mentor d'un jeune et nouveau Batman combattant le crime dans une version futuriste de Gotham City (une série connue en France sous les noms "Batman - La Rélève" ou "Batman 2000"), les studios Warner choisissent finalement de développer une adaptation de "Batman - Year One", la célèbre BD de Frank Miller et David Mazzuchelli parue en 1987.

Ce comic-book culte est aujourd'hui considéré comme le point de départ officiel des aventures de Bruce Wayne en tant que Batman et on peut y voir (comme l'indique son titre) la première année que consacrent Bruce Wayne et Jim Gordon à combattre le crime à Gotham City, de façons très différentes et en connaissant divers échecs, mais avec un but commun qui finira par rapprocher les deux hommes. L'une des originalités de cette histoire est de ne comporter aucun élément fantastique et de se dérouler dans un environnement sobre (bien qu'explorant les bas-fonds de Gotham City) et surtout très crédible. Et donc à priori plus facile à adapter sur grand écran...

Malgré l'intérêt manifesté par Joel Schumacher en 1998 pour adapter "Batman - Year One", c'est le jeune réalisateur Darren Aronofsky (alors uniquement connu pour son premier film "Pi" sorti en 1998) qui est engagé par les studios Warner en 1999. Le futur réalisateur de "Requiem For A Dream", "The Fountain", "The Wrestler" et "Black Swan" souhaite développer un film très ancré dans la réalité avec un aspect "gangster" cru et violent qui se rapprocherait de célèbres œuvres telles que "The French Connection" (1971), "Serpico" (1973) pour le côté incorruptible de Jim Gordon au sein d'une police ultra-gangrenée et "Taxi Driver" (1976) pour le côté psychotique d'un Bruce Wayne cherchant à combattre le crime et l'injustice par ses propres moyens après le traumatisme subi dans son enfance. Le réalisateur souhaite tourner son film uniquement dans de véritables décors urbains, sans utiliser de décors de studios.

Ce serait donc un film sombre, très sombre même ! Mais les studios sont d'accord et Aronofsky fait appel à Frank Miller lui-même pour l'aider à écrire le script de "Batman - Year One". Les deux hommes se connaissent déjà car ils ont travaillé auparavant sur une adaptation pour le grand écran de "Ronin" (une BD de Frank Miller publiée entre 1983 et 1984, sans aucun lien avec le film du même nom), même si le projet ne s'est finalement pas concrétisé.

(Divers concepts de costumes pour le film "Batman - Year One")

Le script du film "Batman - Year One" est remis aux studios Warner en 2000 et si celui-ci conserve divers éléments issus de la BD, il s'en éloigne également de façon très radicale en ré-imaginant complètement le cheminement qui conduit Bruce Wayne à endosser le rôle de Batman, car Miller et Aronofsky désirent effacer tout ce qui a été fait jusque-là et repartir à zéro avec une version "fraîche" du personnage.

(Encore un concept de costume pour le film "Batman - Year One")

En effet, dans cette nouvelle vision des origines du héros, le jeune Bruce Wayne est un sans-abri qui erre dans les rues de Gotham depuis l'assassinat de ses parents jusqu'au moment où il est recueilli par un afro-américain nommé Big Al, un propriétaire de garage automobile qui travaille avec son propre fils nommé Little Al (ici présenté comme étant plus ou moins l'équivalent d'Alfred Pennyworth). Il grandit au sein du garage et ses journées sont rythmées par son travail de mécanicien mais aussi par les allées et venues des prostituées, des proxénètes, des voyous et des flics corrompus qui fréquentent la maison de passe située de l'autre côté de la rue. En parallèle avec le désir de vengeance grandissant du jeune Bruce, on assiste à la lutte de l'inspecteur James Gordon, fumant cigarette sur cigarette, contre la corruption qui gangrène l'ensemble des forces de police de la ville.

(D'autres concepts de costumes pour le film "Batman - Year One")

La première sortie de Bruce Wayne en tant que justicier s'effectue justement dans cette maison de passe afin de défendre une certaine Maîtresse Selina des assauts d'un policier corrompu (Selina Kyle / Catwoman est donc à la base une prostituée spécialisée dans les rapports sado-masochistes, tout comme dans la BD "Batman - Year One"). Le policier meurt accidentellement durant l'intervention de Bruce qui arrive à s'échapper de justesse. Celui-ci songe alors à agir avec davantage de méthodologie et il se confectionne un costume afin de paraître plus impressionnant face à ses ennemis. Son premier déguisement est constitué d'une cape et d'un masque de hockey mais celui-ci évolue avec un look de plus en plus stylisé à mesure qu'il y ajoute divers gadgets. Il modifie une Lincoln Continental en lui ajoutant également toutes sortes de gadgets et d'améliorations (pour un résultat comparable à la Black Beauty utilisée par le Green Hornet, même si ce n'est pas exactement le même modèle de voiture). Le nouveau justicier de Gotham City finit par adopter le nom de "The Bat-Man" (avec un tiret au milieu, comme dans les tous premiers comics de 1939) après que la presse lui ait donné ce surnom suite à ses agissements de plus en plus remarqués. Pourquoi ce surnom ? Parce-que Bruce Wayne porte une chevalière ayant appartenu à son père Thomas Wayne et où figurent les initiales TW. Or, lorsque Bruce assomme ses ennemis à coups de poings, les ecchymoses laissées par les lettres T et W ressemblent vaguement à une chauve-souris... On est donc bien loin de l'image de la chauve-souris qui a marqué Bruce Wayne à un moment ou à un autre de sa vie dans quasiment toutes les autres adaptations du personnage, tous médias confondus.

(Divers concepts de Batmobile pour le film "Batman - Year One")

Aidé de sa Bat-Mobile, le Bat-Man combat le crime jusque dans les plus hautes sphères corrompues de Gotham en s'attaquant en dernier lieu au commissaire Loeb (un personnage également présent dans la BD "Batman - Year One") et au maire Noone. A la fin de l'histoire, les exécuteurs testamentaires de la famille Wayne finissent par retrouver la trace de Bruce Wayne et celui-ci accepte finalement l'héritage de son illustre famille, tout en continuant d'endosser secrètement le rôle du Bat-Man. De son côté, James Gordon n'approuve pas les méthodes du Bat-Man mais il admet finalement que les résultats sont impressionnants. Malgré de grosses différences avec la version papier de "Batman - Year One", le film aurait tout de même conservé à l'identiques certaines scènes ou aspects de la BD, comme par exemple une narration en voix-off par Bruce Wayne (à l'image de la narration de Travis Bickle dans "Taxi Driver" ou celle de Rorschach dans "Watchmen"), ou le fait que Gordon sauve un enfant pendant une prise d'otage, qu'il se fasse tabasser par ses collègues policiers corrompus, qu'il soupçonne Harvey Dent d'être le Bat-Man, ou encore une grande scène où le Bat-Man combat les forces spéciales de la police qui le pourchassent au sein d'une grande maison délabrée. D'autres éléments sont en revanche totalement absents du comic-book, comme la brève apparition d'un détenu aux cheveux teints en vert à l'asile d'Arkham ou le fait que Catwoman (devenue voleuse à la fin du script) finisse par découvrir que Bruce Wayne est le Bat-Man.

(Concepts de Catwoman et James Gordon pour le film "Batman - Year One")

Si l'acteur Christian Bale est approché pour le rôle de Bruce Wayne / Batman et que divers concept-arts sont réalisés pour "Batman - Year One" (qui s'éloignent parfois beaucoup du script car ils ont probablement été commandés indépendamment de celui-ci), le projet reste longtemps coincé en "development hell", comme on dit à Hollywood, avant d'être définitivement abandonné en 2002. Si Darren Aronofsky regrette encore que son film (qui aurait fait passer les 2 films de Tim Burton pour des "cartoons" selon ses propres déclarations) ne se soit pas concrétisé, il avoue toutefois n'avoir jamais vraiment cru que le studio Warner allait produire une telle adaptation. "Batman - Year One" aurait certainement été classé R aux Etats-Unis (interdit aux moins de 17 ans non-accompagnés d'un adulte) et Aronofsky se doutait que le studio ne serait pas emballé par un film qui ne pourrait pas toucher un large public, sans parler de tous les partenaires financiers désireux de commercialiser des produits dérivés (généralement destinés en majorité aux enfants). Aronofsky a également avoué avoir accepté ce film dans le but de convaincre le studio de le laisser ensuite développer son propre projet nommé "The Fountain" (qui verra tout de même le jour en 2006 suite au grand succès rencontré par "Requiem For A Dream" sorti en 2000).

La plupart des fans étaient heureux d'apprendre que Darren Aronofsky travaillait sur un film consacré à Batman au début des années 2000 (surtout après ceux de Joel Schumacher), mais aujourd'hui, alors qu'on en sait beaucoup plus sur le script de "Batman - Year One" (facilement trouvable sur internet), les avis sont nettement plus partagés. Le fait que Bruce Wayne y soit clairement montré comme un quasi-déséquilibré en quête de vengeance et avant-tout désireux de punir physiquement ses ennemis (un concept visiblement réutilisé dans "Batman v Superman" sorti en 2016), tandis que James Gordon y flirte régulièrement avec des penchants suicidaires (selon Aronofsky, le premier plan du film mettait en scène Gordon assis sur ses toilettes avec son pistolet dans la bouche et hésitant à tirer), sont des éléments intéressants qui auraient certainement engendré un bon film "noir", mais qui auraient également engendré un film extrêmement polémique sur Batman. Darren Aronofsky n'a toujours pas abandonné l'idée de publier sa version de "Batman - Year One", et cela pourrait encore se faire... sous la forme d'un comic-book.

Note : une adaptation animée très (trop ?) fidèle de la BD originale "Batman - Year One" est sortie en DVD/Blu-Ray en octobre 2011 aux Etats-Unis (puis en juillet 2012 en France). Si l'animation est de très grande qualité, la narration du film pêche un peu par sa lenteur et prouve ainsi qu'il n'est pas toujours très avisé d'adapter littéralement une BD en film. Cliquez ici pour lire ma critique complète du DVD.



Si les studios Warner décident de ne pas donner suite au projet de Darren Aronofsky et Frank Miller en 2002, c'est peut-être parce-qu'ils finissent par réaliser que les deux hommes ont été trop loin dans leur volonté d'inverser le ton du film par rapport à ceux de Joel Schumacher, mais aussi certainement parce-qu'ils ont une autre idée pour ramener le Chevalier Noir sur grand écran. Cela fait en effet 15 ans que Superman ne s'est pas montré au cinéma (malgré divers projets depuis l'échec retentissant de "Superman IV - The Quest For Peace" en 1987) et après que le réalisateur McG ait abandonné le film "Superman : Flyby" basé sur un scénario de J.J. Abrams pour réaliser la suite de son adaptation de "Charlie's Angels" sorti en 2000, le studio décide de réunir les deux super-héros dans un même film...

"Batman vs. Superman" de Wolfgang Petersen


L'idée de réunir Batman et Superman dans le même film viendrait de Richard Donner, le réalisateur du premier film "Superman" de 1978, qui aurait proposé à Warner Bros de produire un tel film en 1999. Selon les rumeurs, le réalisateur voulait engager Daniel Day-Lewis ("Le Dernier Des Mohicans", "Au Nom Du Père", "Gangs Of New-York", "There Will Be Blood") pour le rôle de Clark Kent et Mel Gibson (la star des sagas "Mad Max" et "L'Arme Fatale", cette dernière étant justement intégralement réalisée par Richard Donner) pour le rôle de Bruce Wayne, mais le studio déclina le projet.

Pourtant, l'idée de base a visiblement plu à la Warner puisque le réalisateur allemand Wolfgang Petersen ("Das Boot", "L'Histoire Sans Fin", "Dans La Ligne De Mire", "Alerte !", "Air Force One"), qui fut tout d'abord engagé pour remplacer McG sur "Superman Flyby" en aout 2001, se voit finalement confier le projet "Batman vs. Superman" en 2002, tandis que le film consacré uniquement à Superman est mis (temporairement) de côté.

C'est le scénariste Andrew Kevin Walker ("Se7en", "8 mm", "Sleepy Hollow") qui a réussi à ré-attirer l'attention de la Warner sur "Batman vs. Superman" en leur proposant un script. Et lorsque Wolfgang Petersen arrive à la tête du film, le scénariste Akiva Goldsman ("Le Client", "Batman Forever", "Batman & Robin", "I, Robot", "Da Vinci Code", "Je Suis Une Légende", "Anges & Démons") est engagé pour ré-écrire le script de Walker.

Voici ce que devait être l'histoire de "Batman vs. Superman", sachant que le film se plaçait à priori dans la continuité des 4 premiers films "Superman" ainsi que celle des 4 "Batman" réalisés par Burton/Schumacher (selon le script d'Akiva Goldsman daté du 21 juin 2002) :

Cinq ans après avoir raccroché la cape de Batman, Bruce Wayne sort d'une dépression nerveuse. Dick Grayson, Alfred Pennyworth et le Commissaire Gordon sont morts, mais le célèbre milliardaire de Gotham City retrouve peu à peu la joie de vivre auprès de sa nouvelle fiancée nommée Elizabeth Miller (inconnue dans les comics) qu'il finit par épouser. Clark Kent, bien qu'étant choisi par son ami Bruce pour être le témoin du mariage, est de son côté au plus bas depuis son divorce avec Lois Lane.
Mais Elizabeth Miller est assassinée par le Joker durant la lune de miel du couple et Bruce Wayne reprend son rôle de Batman afin de venger son épouse, même si cela va à l'encontre de ses vieux principes et qu'il doit y laisser sa peau. Superman tente de le dissuader et Batman finit par l'accuser d'être le vrai responsable, ce qui aboutit à l'affrontement des deux héros.

(2 couvertures de comics dessinées par Jim Lee au début des années 2000, l'une pour Batman et l'autre pour Superman)

Clark Kent décide finalement d'abandonner Bruce Wayne à son sort et part se retirer à Smallville en compagnie de Lana Lang (l'amour de jeunesse de Clark, déjà vue dans le film "Superman III" en 1983). Mais il s'avère que c'est Lex Luthor, le plus célèbre ennemi de Superman, qui est derrière tout ça et les deux super-héros finissent par s'allier afin de mettre fin à ses plans.

Le projet est officialisé en 2002 et le réalisateur Wolfgang Petersen mentionne le film lors de diverses interviews. Un casting aurait eu lieu et selon certaines rumeurs, les rôles de Batman et Superman auraient été respectivement attribués à Colin Farrell ("Tigerland", "Minority Report", "Phone Game", "Daredevil", "Miami Vice", "Total Recall - Mémoires Programmées") et Jude Law ("Bienvenue À Gattaca", "eXistenZ", les 2 derniers films "Sherlock Holmes"). On murmure également que Josh Hartnett ("The Faculty", "Pearl Harbor", "La Chute Du Faucon Noir", "40 Jours Et 40 Nuits", "Slevin", "Le Dahlia Noir", "30 Jours De Nuit") aurait refusé le rôle de Clark Kent, tandis que Christian Bale aurait décliné celui de Bruce Wayne (cela fait déjà 2 fois que Bale est pressenti pour incarner Batman sur grand écran, la troisième sera la bonne) ! Le tournage doit débuter début 2003 pour une sortie en 2004, mais Wolfgang Petersen abandonne le navire seulement un mois après son officialisation pour aller tourner le péplum "Troie".

Les studios Warner ne cherchent pas de remplaçant pour diriger "Batman vs. Superman" et décident de se concentrer à nouveau sur le projet "Superman Flyby" en ce qui concerne l'homme d'acier. Le projet n'aboutira jamais et finira par engendrer le "Superman Returns" réalisé par Bryan Singer en 2006 et placé dans la continuité des deux premiers films "Superman" de Richard Donner/Lester.

(Un clin d'œil à "Batman vs. Superman" dans la scène d'ouverture du film "Je Suis Une Légende" sorti en 2007 et également scénarisé par Akiva Goldsman.)

Note : si Batman et Superman n'ont pas encore partagé la même affiche au cinéma, ils sont en revanche les héros de plusieurs films d'animation sortis directement en DVD comme "Superman/Batman : Ennemis Publics" (2009), "Superman/Batman : Apocalypse" (2010) ou le tout récent "La Ligue Des Justiciers : Échec" (2012).

Suite à l'abandon de "Batman vs. Superman", la Warner aurait demandé aux Wachowski (alors en pleine trilogie "Matrix") si ceux-ci souhaitaient développer un nouveau projet consacré à Batman, mais ils auraient refusé. Fin 2002, Joss Whedon (le futur réalisateur/scénariste des "Avengers") aurait proposé une idée de script au studio. Il a déclaré avoir eu une idée qu'il aimait beaucoup et qui était consacrée au origines du personnage, mais il n'a jamais reçu de réponse positive de la part de Warner Bros.

Ce sera pourtant bien la voie des origines du héros qui sera empruntée début 2003 lorsque le jeune réalisateur anglais Christopher Nolan (alors âgé de moins de 33 ans) sera engagé pour réaliser un film consacré à Batman. Celui-ci s'est pour l'instant fait remarquer grâce à "Memento" en 2000 et surtout "Insomnia" en 2002, et il souhaite raconter les débuts du personnage (ce qui n'a jamais vraiment été le sujet principal d'un film jusque-là) avec une approche différente de tout ce qui a été fait auparavant...

Faisons maintenant un bond dans le temps afin d'évoquer un autre projet avorté qui a lui aussi failli réunir plusieurs super-héros DC (dont Batman) dans un film également chapeauté par un réalisateur de renom :

"Justice League : Mortal" de George Miller


En 2005, Batman est revenu avec succès en solo sur grand écran sous la houlette de Christopher Nolan avec "Batman Begins" (cet aspect sera davantage développé dans le prochain article), mais vu que le succès commercial et critique de "The Dark Knight" est encore loin d'être envisagé (voire même loin d'être envisageable pour un film de super-héros), et que l'idée d'un univers partagé comme celui des "Avengers" de Marvel Studios (développé sur plusieurs films séparés avant de se rejoindre au sein d'une oeuvre commune) n'a même pas encore germé (le premier film "Iron Man" est sorti en 2008), Warner imagine un projet inédit et un peu fou : sortir un autre film utilisant une incarnation différente de Batman en parallèle (et sans aucun lien avec les films) de Christopher Nolan.

Car si le retour de Batman a connu un succès honnête en 2005, on ne peut pas en dire autant du "Superman Returns" de Bryan Singer sorti en 2006. Des critiques mitigées et un box-office décevant (même si assez proche de celui du premier volet de Nolan, mais le film consacré à Superman a coûté plus cher, sans compter une campagne marketing beaucoup plus importante et donc également beaucoup plus chère) refroidissent l'envie du studio de produire rapidement une suite à gros budget (tout de même envisagée un temps pour une sortie en 2009) qui finira par être annulée suite à de nombreux désistements et retards.

(Un des concept-arts de Wonder Woman pour le film "Justice League : Mortal")

Début 2007, le studio engage le couple de scénaristes Michele et Kieran Mulroney afin de rédiger un script consacré à la Justice League (qui réunit donc Batman et Superman, mais aussi les autre grands héros de l'univers DC Comics comme Wonder Woman, The Flash, Green Lantern, Aquaman, Martian Manhunter, etc.). À la même époque, on apprend que les films solo consacrés à Wonder Woman  (par Joss Whedon, qui s'occupera plus tard des "Avengers" sur grand écran) et The Flash (par David S. Goyer, co-scénariste des 3 films de Nolan et des 3 premiers films de Zack Snyder consacrés à l'univers partagé de DC Comics) ne verront pas le jour. Le couple Mulroney remet son script à la Warner en juin 2007, et le studio est très emballé, à tel point qu'il souhaite débuter la production du film et planifier un tournage avant la grande grève
des scénaristes qui semble approcher à grands pas (et qui aura bien lieu de novembre 2007 à février 2008). Le réalisateur Jason Reitman ("Thank You For Smoking", "Juno") est envisagé dans un premier temps, mais c'est finalement George Miller (la saga "Mad Max", "Babe - Un Cochon Dans La Ville", "Happy Feet" 1 & 2) qui est engagé en septembre 2007 avec un budget prévu de 220 millions de dollars.

Le script du film a fuité sur internet en 2013 et on a pu constater que l'histoire était très influencée par de célèbres comics comme "Kingdom Come" (1996), "Tower Of Babel" (2000), "Crisis On Infinite Earths" (1985) ou "Infinite Crisis" (2005). Elle débutait par la fin de l'histoire, à savoir l'enterrement d'un des principaux membres de la Justice League (supposé être Batman) en présence de tous ses collègues. On revenait ensuite en arrière pour apprendre que le point de départ de l'histoire était le fait que l'homme d'affaires Maxwell Lord avait pu mettre la main sur les dossiers secrets de Batman qui avait compilé (via un satellite nommé Brother Eye) tous les points faibles de ses collègues à super-pouvoirs au cas où l'un d'eux décidait subitement de les utiliser à mauvais escient. Lord sème donc la zizanie parmi les héros en utilisant notamment Superman dont il arrive à prendre le contrôle pour lui faire affronter ses collègues, tandis qu'il maintient Batman (rejeté du groupe principal lorsque les membres de la League découvrent qu'il n'avait pas une totale confiance en eux) occupé ailleurs par le biais de Talia al Ghul qui tente de venger la mort de son père.

(Un extrait du storyboard montrant l'affrontement entre Superman et Wonder Woman)

L'histoire y était vue du point de vue de Barry Allen, un Flash fraîchement arrivé au sein de la Justice League qui apprenait à connaître les autres membres à mesure de la progression du film. Et lorsque les différents héros finissent par comprendre que tout cela est un plan fomenté par Maxwell Lord, ils unissent à nouveau leurs forces et finissent par accepter les excuses de Batman dans un combat final hautement épique et émotionnel où le dernier espoir réside dans le sacrifice de Barry Allen pour sauver ses collègues et le reste de l'humanité, suivi par un passage qui aurait fait polémique où Batman (beaucoup plus sombre ici que dans ses incarnations précédentes au cinéma) brise la nuque de Maxwell Lord de ses mains (une idée qui semble avoir inspiré Zack Snyder pour ses propres films DC). Le film devait finir sur l'enterrement vu en introduction pour constater que Batman est bien vivant puisqu'il observe la scène de loin, et qu'il s'agit en fait des funérailles de Barry Allen puisque le Flash qui porte le cercueil est son successeur Wally West.

L'idée étant de développer un univers DC parallèle à celui des films en cours, Brandon Routh et Christian Bale ne sont absolument pas envisagés pour reprendre leurs rôles respectifs de Superman et Batman. De nouvelles auditions sont donc organisées pour caster les nombreux protagonistes du projet avec de jeunes acteurs/actrices (Miller veut des jeunes super-héros) comme Minka Kelly, Adrianne Palicki, Jessica Biel ou Mary-Elizabeth Winstead pour le rôle de Wonder Woman (Palicki interprétera finalement Wonder Woman dans un pilote de série réalisé en 2011, mais qui n'aboutira pas à un feu vert de la chaîne de TV).

Le casting final, d'après ce que l'on en sait, aurait été composé d'acteurs peu connus à l'époque comme Armie Hammer (Batman), D. J. Cotrona (Superman), la mannequin Megan Gale (Wonder Woman), Adam Brody (The Flash), Santiago Cabrera (Aquaman), Common (Green Lantern version John Stewart), Hugh Keays-Byrne (le grand méchant du tout premier "Mad Max" ainsi que de "Mad Max - Fury Road", ici dans le rôle du Martian Manhunter), sans oublier Jay Baruchel et Teresa Palmer dans les rôles des antagonistes Maxwell Lord et Talia al Ghul.


La grève des scénaristes débute fin 2007 et provoque la suspension momentanée du projet, mettant en danger l'engagement de certains acteurs qui risquent de se diriger vers d'autres projets. Lorsque la grève prend fin début 2008, la production se remet rapidement sur pied et le tournage est sur le point de commencer aux studios Fox à Syndey en Australie (terre natale de George Miller) dès le mois de mai. Mais le gouvernement australien refuse d'accorder un abattement fiscal de 40% à la Warner, prétextant que le casting ne comporte pas assez d'acteurs australiens pour les personnages principaux (seuls les interprètes de Wonder Woman, Martian Manhunter et Talia al Ghul sont originaires du pays). Malgré la colère de George Miller, le gouvernement australien ne cède pas et l'intégralité de la production est déplacée à Vancouver au Canada, ce qui repousse le début du tournage au mois de juillet 2008, même si Warner Bros continue d'envisager une sortie en salles pour l'été 2009.

Étant donné que le tournage est régulièrement sur le point de débuter, le projet est très avancé : les costumes sont quasi-finalisés (comme celui d'Aquaman) et des essais sont réalisés sur les acteurs (Megan Gale participe à une séance photo en Wonder Woman) :



Mais l'accumulation de retards (incluant une réécriture du script par le couple Mulroney) et surtout le succès phénoménal de "The Dark Knight" en août 2008 poussent le studio à abandonner complètement le projet "Justice League : Mortal" afin de favoriser la vision cinématographique de Christopher Nolan et d'éviter d'embrouiller le public avec plusieurs versions simultanées des mêmes personnages sur grand écran. Quelques éléments visuels du film de George Miller ont été dévoilés depuis son annulation, mais beaucoup d'autres éléments et des témoignages des personnes impliquées attendent encore d'être dévoilées dans le documentaire "George Miller's Justice League Mortal" annoncé en 2015 qui devrait être réalisé par l'australien Ryan Unicomb à condition que Warner Bros donne son feu vert (ce qui n'est pas du tout sûr). Il est possible de suivre l'avancée du projet via la page Facebook du documentaire.

Tandis que Nolan récupère la priorité sur le personnage de Batman pour conclure sa trilogie en 2012 (dans son propre univers qui ne sera partagé avec aucun autre film), des films solo sont à nouveau envisagés par le reste des personnages DC, ce qui aboutira à la sortie de "Green Lantern" de Martin Campbell en 2011 (un échec aussi bien critique que financier) et au reboot de Superman dans un "Man Of Steel" controversé par Zack Snyder en 2013, suivi d'un "Batman v Superman" encore plus controversé du même réalisateur (qui réintroduit Batman au cinéma dans une nouvelle incarnation après la fin de la trilogie de Nolan). Ces deux derniers films sont en fait les premiers jalons du nouvel univers cinématographique partagé de DC Comics qui se concrétisera dans les films "Justice League Part One" et "Justice League Part Two" qui devraient sortir en 2017 et 2019 et qui seront toujours réalisés par Zack Snyder (et produits par George Miller).

À suivre...

(Un lien vers l'article suivant sera visible ici dès sa publication)

Note : le comic-book violent et sombre "The Dark Knight Returns" (situé hors de la continuité officielle de l'histoire de Batman) de Frank Miller, qui a complètement relancé le personnage auprès des lecteurs de comics en 1986 et à qui l'on doit l'impulsion qui a décidé les studios à produire le premier film "Batman" (1989), a fortement influencé de nombreux éléments des scénarios de "The Dark Knight" (2008) et "The Dark Knight Rises" (2012) de Christopher Nolan, sans oublier une influence encore plus forte sur le "Batman v Superman" de Zack Snyder (2016).
Cette BD culte a été adaptée sous la forme de deux long-métrages animés sortis directement en vidéo en 2012 et 2013.

(Cliquez ici pour lire ma critique du film animé "The Dark Knight Returns Part. 1")



Commentaires

Anonyme a dit…
Très instructif, merci beaucoup pour cet article ! J'ai hâte de lire la suite.
Anonyme a dit…
A quand la suite?
Draven a dit…
Je travaille sur la suite de cet article depuis déjà quelques temps, et je comprends ton interrogation.

Je pensais publier le 5ème article vers août/septembre 2012, puis j'ai décidé de le différer jusqu'en décembre afin de profiter de la sortie de "The Dark Knight Rises" en DVD/Blu-Ray afin de profiter de toutes les nouvelles informations dont je pourrais disposer pour la dernière partie de mon dossier.

La masse de documents à lire ou à visionner dont je dispose désormais est plutôt conséquente, mais je travaille régulièrement sur l'article afin de le compléter petit à petit. Je n'ai pas envie de de stopper toute activité sur ce blog afin de me consacrer uniquement à ce 5ème article, ce qui explique également que ce soit aussi long à venir.

Mais j'y travaille régulièrement, et j'essaye de poster des photos de mon avancement de temps à autres sur Twitter. Peut-être aurais-je terminé avant la fin de l'année 2012, mais dans tous les cas j'espère que l'attente en vaudra la peine car ces articles me tiennent vraiment à cœur.

Merci en tout cas pour ton commentaire !
Anonyme a dit…
On attend le coffret ultimate collector deluxe prestige pour s'atteler à l'air Nolan? ;-)
Hâte de lire la suite!
Anonyme a dit…
Tu commences sérieusement à te faire désirer pour cette 4ème partie mon cher Draven!
Anonyme a dit…
Ouais je l'attends aussi impatiemment
Anonyme a dit…
Bon Draven... il faut faire quelque chose là!!! 2012 quand même...
Glen a dit…
Thanks forr this blog post

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