Critique ciné : Le Dernier Rempart

Depuis son élection au poste de gouverneur de l'état de Californie en octobre 2003, on n'a vu Arnold Schwarzenegger qu'à 4 reprises au cinéma : dans le rôle du Prince Hapi dans "Le Tour Du Monde En 80 Jours" (2004, un film avec Jackie Chan tourné avant l'élection de Schwarzy), en images de synthèse (ratées) vers la fin de "Terminator Renaissance" (2009), lors d'un très court (mais génial) caméo dans "Expendables" (2010), et enfin dans quelques scènes de "Expendables 2" (2012) qui étaient les premières qu'il ait pu tourner après la fin de son mandat politique.

Autant dire que les fans de l'acteur vedette des années 80/90 n'ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent depuis une bonne dizaine d'années ! Car oui, on peut être fan d'Arnold Schwarzenegger (et c'est mon cas !) malgré le fait qu'il s'agisse certainement du plus mauvais acteur ayant jamais atteint un tel niveau de popularité. Son jeu ultra-stéréotypé et souvent approximatif, son accent autrichien incroyable et toujours à la limite du compréhensible alors qu'il est aujourd'hui âgé de 65 ans (Daniel Beretta, son doubleur français, est génial, mais si vous n'avez jamais regardé un film avec Schwarzy en VO, vous êtes passés à côté de 50% des raisons qui l'ont rendu si célèbre), ses innombrables punchlines cultes ("I'll be back" n'est que la plus connue parmi des dizaines d'autres qui sont entrées dans la culture populaire aux USA) et évidemment sa présence physique ont fait de lui une légende du cinéma (d'action) incontournable et identifiable par n'importe qui !

Mais avant de revenir à ses rôles les plus célèbres par le biais des futurs "Terminator 5" et "La Légende De Conan" (les titres sont provisoires mais les deux projets sont bien confirmés), l'acteur fait son vrai retour au cinéma en tenant le premier d'un rôle d'un gros film d'action burné nommé "Le Dernier Rempart" réalisé par le coréen Kim Jee-woon. Ce dernier fait ici ses premiers pas à Hollywood après s'être fait largement remarquer à l'international, notamment grâce à ses deux derniers films : "Le Bon, La Brute Et Le Cinglé" (2008), un hommage déjanté au western-spaghetti teinté de nombreuses influences chinoises, japonaises et coréennes, et "J'ai Rencontré Le Diable" (2010), une histoire de vengeance qui repoussait les limites de la violence physique et mentale dans ses derniers retranchements. Un peu à l'image de John Woo au début des années 90 ("Chasse À L'Homme" avec Jean-Claude Van Damme), le réalisateur asiatique annoncé comme étant l'un des plus originaux de sa génération fait donc ses débuts aux Etats-Unis avec un film d'action contenant une grande star du genre.

Kim Jee-woon a t'il su conserver son grain de folie lors de son passage au continent américain ? Arnold Schwarzenegger est-il toujours en forme dans le premier film dont il est la star depuis "Terminator 3 : Le Soulèvement Des Machines" (qui date de 2003 et dans lequel il apparaissait déjà bien fatigué) ? Telles sont les questions qu'on est en droit de se poser en allant voir "Le Dernier Rempart"...


L'histoire : le shérif Ray Owens compte bien profiter de son jour de congé mais il se trouve que la ville de Sommerton qu'il est chargé de protéger se trouve sur la route d'un chef de cartel de drogues qui a réussi à échapper au FBI et qui se précipite à toute vitesse vers la frontière mexicaine...

Bon, on ne va pas tourner autour du pot : "Le Dernier Rempart" est une double déception ! La réalisation de Kim Jee-woon est tellement banale et calibrée pour ce type de film que n'importe-quel réalisateur moyen de téléfilm ou de direct-to-dvd aurait pu accoucher du même résultat. Rien de bien folichon à se mettre sous la dent : une (trop) longue première partie pour mettre en place tous les éléments dont une scène d'évasion faussement rocambolesque en début de métrage, de (trop) longues scènes de préparation à l'affrontement, une longue scène de fusillade parfois exagérée mais qui contient les seuls moments intéressants du film, et enfin un combat final mou et mal filmé/monté ! Incroyable ! Les scènes d'action frôlent un peu trop souvent l'illisible et se contentent la plupart du temps de plans serrés et remuants. On a vu pire, mais il existe aussi tellement mieux ! La photographie est correcte mais ne propose strictement rien d'original et la musique est au mieux totalement oubliable. Bref, une grosse déception côté mise en scène qui se contente de champs/contrechamps fainéants la plupart du temps avec seulement quelques moments de bravoure lors de la grande fusillade qui tarde à venir mais a au moins le bon goût de durer un peu. C'est uniquement lors de ce passage qu'on aperçoit quelque rares moments de fulgurance, comme par exemple lorsqu'on suit Schwarzy qui tombe d'un toit au ralenti pour pouvoir bien profiter du truc impossible qu'il est en train de faire. Rien de bien original, mais ça réveille de temps à autre. Le scénario est ultra-convenu, bourré d'incohérence et de clichés, et surtout il se prend bien trop au sérieux pour un type de film où le second degré permet souvent de contourner les principaux écueils du genre !

(Heureusement qu'on peut voir la jolie Jaimie Alexander de temps à autre...)

Et Schwarzy alors ? Il est impressionnant... lorsqu'il est immobile et qu'il se tait ! Voilà la seconde déception du film : son personnage est tellement mal écrit qu'il n'est ni attachant, ni impressionnant, ni intéressant, ni drôle (à peine deux ou trois punchlines moyennement amusantes dans tout le film). Il fait juste acte de présence et se contente d'être le leader d'un groupe de personnages encore plus stéréotypés que lui et auquel il balance régulièrement ses ordres complètement dénués de sagesse ou de charisme (alors qu'on essaie de nous le vendre comme une sorte de vétéran qui a vu les pires horreurs). Lors des phases d'action, la caméra est bien collée à lui (il est de toute façon rarement filmé en entier) pour qu'on ne puisse pas voir à quel point il manque de souplesse et de force (OK, il n'a jamais été un modèle de souplesse, mais là c'est vraiment pitoyable). Bref, contrairement à son ami Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger est actuellement loin d'être au sommet de sa forme et ce n'est pas avec "Le Dernier Rempart" qu'il convaincra qui que ce soit de l'intérêt de le revoir dans la peau d'un T-800 ou du roi Conan. On est même presque tentés de croire qu'il a du mal à marcher...
Les seconds rôles sont légion mais tout aussi inintéressants ! Johnny Knoxville nous ressert le même rôle de guignol qu'on l'a déjà vu interpréter par le passé (notamment dans "Tolérance Zéro" au côté de The Rock en 2004) mais ses scènes sont tellement peu nombreuses (on pouvait voir la plupart de ses apparitions dans les trailers américains) et surtout si peu drôles que c'est à peine si on se souvient qu'il est dans le film. Les seconds couteaux qui entourent le shérif sont tout aussi peu mémorables, à part peut-être la belle Jaimie Alexander (déjà vue dans "Thor") qui, à défaut d'être convaincante, s'avère toujours agréable à regarder. Il d'ailleurs amusant de constater que toutes les jeunes filles du film (la serveuse du resto, l'agent du FBI et la pilote d'hélicoptère) sont très mignonnes mais rarement crédibles. Même de bons acteurs comme Peter Stormare ("Fargo", "The Big Lebowski", "Constantine", et malgré tous ces films ça fait toujours bizarre de l'entendre avec la voix française de Bruce Willis) ou Forest Whitaker ("Ghost Dog") n'ont pas le moindre relief tant ils sont enfermés dans des personnages sans saveur et déjà vus des millions de fois ! Bref, personne ne remonte le niveau...



"Le Dernier Rempart" n'est donc ni un bon film de Kim-Jee-woon, ni un bon film d'Arnold Schwarzenegger, ni même un bon film d'action ! On est plus proche des nanars que l'acteur/star a tourné fin des années 90, début des années 2000, que de ses rôles les plus marquants ! Il faudra attendre son prochain film "The Tomb" (où on le retrouvera aux côtés de Sylvester Stallone mais aussi de Jim Caviezel, Vinnie Jones ou encore 50 Cent) qui ne sortira pas avant de longs mois avant de se prononcer définitivement sur son éventuelle future carrière, mais honnêtement ça semble assez mal barré...

Kim Jee-woon arrivera peut-être à impressionner un public peu regardant avec ses gerbes de sang inutiles et très exagérées, mais en dehors de ça ses débuts à Hollywood semblent partis du mauvais pied. Difficile de dire s'il a eu les mains liées par le studio (car c'est clairement un film de commande) ou s'il n'a pas osé se lâcher sur le territoire américain, mais il a intérêt à faire meilleure impression avec sa prochaine réalisation (qui pourrait être une adaptation live du célèbre animé "Jin-Roh") s'il ne veut pas repartir tourner sur le continent asiatique plus vite qu'il ne le souhaiterait...

Un film à oublier, et vite !

PS : Le doublage français est incroyablement mauvais et à peine digne d'un direct-to-DVD. Peut-être qu'en VO j'aurais souri rien qu'en entendant Schwarzy parler mais je ne le saurai jamais car je n'ai pas l'intention de revoir ce film un jour...

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