Critique ciné : Millénium - Les Hommes Qui N'aimaient Pas Les Femmes

Il n'est pas surprenant que la saga Millénium ait fini par intéresser Hollywood. Après que les 3 livres du regretté Stieg Larsson (décédé en 2004) soient devenus des best-sellers dès leur publication en 2005, des films suédois de grande qualité ont vu le jour en 2009 (2010 pour les 2 derniers en France) avant d'être déclinés en série télévisée de 6 épisodes (qui consistent en un découpage des 3 films suédois avec l'ajout de nombreuses scènes supplémentaires), à moins que ce ne soit l'inverse...

Mais on connaît les américains : quelle que soit la qualité du matériau d'origine, il faut que le film soit refait par des américains et avec des américains pour qu'il soit regardable par un public américain. Et ce, même si l'action du film se déroule toujours en Suède (un changement de pays aurait impliqué trop de différences avec le récit original en ce qui concerne le background de certains personnages) !

Néanmoins, l'annonce de David Fincher ("Alien 3", "Se7en", "The Game", "Fight Club", "Panic Room", "Zodiac", "L'Etrange Histoire De Benjamin Button", "The Social Network") avait de quoi rassurer étant donné que l'homme est plutôt à l'aise avec les thrillers. Mais à la vue des premières images, la question de l'utilité de cette nouvelle version se posait encore.

Quant à moi, je me demande toujours pourquoi les films et les romans se nomment "Millennium" (sans accent et avec 2 "n") dans la plupart des pays, alors qu'en France on nous a ajouté un accent et supprimé un "n"...




L'histoire : à la suite d'une condamnation judiciaire pour diffamation, Mikael Blomkvist prend de la distance avec le journal Millénium dont il est le co-créateur. C'est à ce moment que l'ancien dirigeant industriel Henrik Vanger souhaite l'engager pour résoudre la mystérieuse disparition de sa nièce survenue 40 ans auparavant. Mikael Blomkvist va alors faire la connaissance d'une famille au lourd passé et rencontrer une étonnante jeune fille nommée Lisbeth Salander...

À peine a t'on le temps d'essayer de comprendre l'intro du film que déboule un superbe générique qui nous ferait presque croire qu'on est sur le point de voir un nouvel épisode de "James Bond" (présence de Daniel Craig oblige !) centré sur l'industrie pétrolière et accompagné d'une reprise du morceau "Immigrant Song" de Led Zeppelin dans une version electro signée par Trent Reznor et Atticus Ross.
Mais on revient rapidement en Suède et un flot ininterrompu d'informations (pas toujours évidentes à appréhender) commence à assaillir le spectateur. Est-ce que ça dure seulement le temps que l'intrigue se mette en place ? Que nenni ! Le rythme du film ne ralentit qu'en de rares occasions durant les 2h38 que totalise le métrage, ne laissant que très rarement du temps au spectateur pour reprendre son souffle, mais laissant de côté tous ceux qui aimeraient comprendre ce qui est en train de se dérouler sous leurs yeux...

À priori, le film le plus proche de "Millénium" dans la filmographie passée de David Fincher est certainement "Zodiac" (2007) puisque les deux œuvres partagent une mise en scène relativement froide, sobre et réaliste (et donc bien moins stylisée que dans "Se7en") ainsi qu'une tension permanente à mesure que l'enquête progresse. Or "Zodiac" avait été pas mal critiqué pour son rythme plutôt posé, voire lent aux yeux de certains spectateurs. Est-ce pour cela que David Fincher a décidé d'accélérer autant le mouvement  dans "Millénium" ? Difficile à dire... Mais en tout cas les spectateurs qui n'ont pas déjà lu les livres de Stieg Larsson ou vu les films (ou la série) suédois(e) auront certainement le sentiment que le métrage ne prend pas souvent le temps de leur expliquer clairement le déroulement de l'enquête, préférant maintenir leur attention par le biais d'une tension qui ne cesse de croître (même s'ils n'en comprennent pas toujours la raison). Notons d'ailleurs que la musique à base de cordes et de quelques notes de piano concoctée par Trent Reznor et Atticus Ross accentue à merveille certains des passages les plus tendus du film.

(Un duo inhabituel mais qui fonctionne à merveille !)

Il est agréable de découvrir Daniel Craig dans un rôle moins physique que ceux dans lesquels il s'est fait remarquer jusqu'à présent (les deux derniers "James Bond" bien sûr, mais aussi "Cowboys & Envahisseurs", "Les Insurgés", "Munich" et le très bon "Layer Cake" de Matthew Vaughn). Son interprétation de Mikael Blomkvist pourra éventuellement montrer à ses détracteurs qu'il peut être tout aussi juste même lorsqu'il ne cogne pas sur tout ce qui bouge...

Mais la véritable surprise vient évidemment du personnage de Lisbeth Salander. À l'origine, c'était Natalie Portman ("Mars Attacks !", "Star Wars", "V Pour Vendetta", "Thor") qui devait endosser le rôle, mais celle-ci préféra jeter l'éponge (ouf !) après le tournage déjà bien éprouvant de "Black Swan". Fincher écarta ensuite quelques actrices, dont Scarlett Johansson ("The Island", "Iron Man 2") qui fut jugée bien trop sexy comparée à la Lisbeth quasi-anorexique décrite dans les livres. Il arrêta finalement son choix sur la jeune et jolie Rooney Mara, pratiquement inconnue sur grand écran même si elle a joué dans le désastreux reboot de "Freddy - Les Griffes De La Nuit" en 2010 et qu'elle faisait une apparition au début de "The Social Network" (de David Fincher, comme quoi ça n'est pas vraiment dû au hasard non-plus).
La jeune actrice se retrouve donc largement métamorphosée (pour ne pas dire enlaidie) pour son rôle de Lisbeth Salander mais son implication s'avère aussi nettement plus physique que celle de Daniel Craig. Elle s'investit d'ailleurs totalement dans certaines scènes qui risquent de secouer même les spectateurs les plus endurcis, car "Millénium - Les Hommes Qui N'aimaient Pas Les Femmes" est un film violent, et David Fincher n'a pas pour habitude de ménager les spectateurs lorsqu'il doit mettre en images des scènes difficiles. En tout cas, la prestation de Rooney Mara et la force du personnage de Lisbeth Salander sont clairement les points forts du film !

Le récit contient de nombreux personnages secondaires, notamment en ce qui concerne la famille Vanger à elle seule, mais le spectateur risque de ne pas avoir le temps de s'y retrouver (encore une fois à cause du rythme du film) et ne retiendra finalement que 3 ou 4 visages déjà connus comme ceux des acteurs Steven Berkoff (Victor Maitland dans le premier film "Le Flic De Beverly-Hills"), Robin Wright (la fameuse Jenny de "Forrest Gump"), Joely Richardson (déjà vue dans "Event Horizon" mais plus connue pour ses rôles dans les séries "Nip/Tuck" et "Les Tudors") ou encore Stellan Skarsgård (déjà vu dans "À La Poursuite D'Octobre Rouge", 2 épisodes de la saga "Pirates Des Caraïbes" et tout récemment dans "Thor").



"Millénium - Les Hommes Qui N'aimaient Pas Les Femmes" de David Fincher s'avère être un thriller efficace, sombre et éprouvant porté par deux personnages principaux très attachants. On frissonne autant devant l'image très froide que le réalisateur David Fincher a choisie pour représenter la Suède que devant l'horreur de certaines situations exposées. La tension est palpable et les 2h38 du film défilent à toute vitesse, à tel point que j'ai encore la désagréable impression d'avoir vu un film en accéléré qui ne m'a quasiment jamais laissé l'occasion de participer à l'enquête qui constitue pourtant son point de scénario principal. Dommage... d'autant plus que le film suédois de 2009 était nettement plus réussi de ce côté-là, avec une durée globale presque identique.

David Fincher a fait le choix étrange d'un rythme effréné qui laissera certainement pas mal de spectateurs de côté, et ceux-ci devront donc se diriger vers les livres ou les (très bons) films suédois s'ils veulent connaître les éléments manquants du puzzle....

PS : Il a été confirmé par Sony Pictures que le second et le troisième roman de la saga Millénium vont également être portés sur grand écran par Hollywood, avec un casting inchangé pour les rôles récurrents. On ignore en revanche si David Fincher repassera derrière la caméra...

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