Critique ciné : Hugo Cabret

Martin Scorsese, le roi des films de gangsters, qui se lance dans la comédie enfantine calibrée pour les fêtes de Noël... Étrange n'est-ce pas ? C'est pourtant ce que laisse entendre la campagne marketing de son nouveau film "Hugo Cabret" : une typo piquée à Harry Potter, un enfant qui va vivre de grandes aventures, de la neige tombant sur une ville de Paris recréée en images de synthèse, un mystérieux automate qui semble renfermer un incroyable secret (avec un soupçon de magie ?), etc... Visiblement tous les éléments sont réunis pour qu'on tienne la comédie familiale de cette fin d'année 2011. Alors qu'en est-il vraiment ?


L'histoire : dans les années 30, Hugo Cabret est un jeune garçon qui vit à l'intérieur d'une gare parisienne. Il tente de finir de réparer un mystérieux automate qui pourrait bien contenir un message de son père tragiquement disparu. Peut-être que le vieil homme qui tient une boutique de jouets au sein de la gare pourra lui apporter un peu d'aide, à condition d'échapper à la surveillance de l'inspecteur et à son chien féroce...

La première chose qui surprend avec "Hugo Cabret", c'est le rythme du film ! Avec toutes les productions récentes au rythme souvent effréné, on en oublierait presque qu'il est aussi possible de raconter une histoire en prenant le temps de poser ses personnages et de les laisser évoluer tranquillement. Certains passages mettant en scène les personnages secondaires du film sont totalement dénués de dialogues et laissent parler les expressions des acteurs ainsi que la (jolie) musique en rendant clairement hommage au cinéma muet. Quelques spectateurs un peu trop dopés à la surenchère hollywoodienne risquent donc de s'ennuyer pendant plus de 2 heures et ainsi passer à côté d'une belle histoire...

(qui a reconnu Sacha Baron Cohen, l'interprète des nettement plus déjantés Borat et Brüno ?)

Car la véritable histoire du film n'est finalement pas tout à fait celle que nous vend la bande-annonce (visible ci-dessous). Sans trop en dévoiler, Martin Scorsese profite en fait du prétexte offert par l'œuvre originale "L'Invention De Hugo Cabret" (un roman illustré pour enfants créé par Brian Selznick en 2007 et publié en France en 2008) pour rendre un hommage vibrant aux débuts du cinéma. Les enfants devraient donc être séduits par les aventures du jeune Hugo tandis que les adultes seront forcément touchés par la démarche du réalisateur. Et en ce sens, "Hugo Cabret" est effectivement le film familial de cette fin d'année !

Visuellement, c'est plutôt une réussite malgré une ville de Paris très "carte postale" et des plans larges en images de synthèse pas toujours réalistes. Mais le principal lieu d'action, la gare, a bénéficié d'un travail extrêmement soigné : toujours en mouvement (voyageurs, flâneurs, trains, horloges) et baigné d'une jolie lumière symbolisant le regard d'enfant que le réalisateur porte à cette époque et aux personnages. Les coulisses de la gare (un dédale de rouages et de vapeur) sont également un bonheur pour les yeux et les sens à chaque fois que le petit Hugo s'y déplace...


Mais l'histoire est surtout emmenée par ses personnages, tous bien interprétés, avec en tête un jeune Hugo Cabret (Asa Butterfield, déjà aperçu brièvement dans le "Wolfman" de Joe Johnston) qui sait attirer l'attention avec son regard de chien battu sans jamais tomber dans la caricature. La jeune Isabelle (Chloë Moretz, déjà vue dans "Kick Ass") lui donne la réplique et lui sert surtout de lien avec le monde des adultes. Et au delà de nombreux personnages secondaires, c'est essentiellement le personnage de Georges Méliès qui sort du lot par le biais d'une interprétation plus que touchante de la part de Ben Kingsley ("Gandhi", "La Liste De Schindler", "You Kill Me", "Shutter Island", etc...).



"Hugo Cabret" risque de légèrement décevoir les spectateurs désireux d'assister à un conte de Noël teinté d'aventures et de magie, mais en revanche il ne pourra pas laisser insensibles les amateurs de belles histoires et surtout les amoureux du cinéma. À 69 ans, Martin Scorsese a profité de cette occasion pour rendre hommage aux pionniers du 7ème art et c'est surtout à ce titre que le film prend toute sa saveur. Et c'est aussi une belle preuve qu'il est possible de prendre son temps pour raconter une histoire finalement assez simple mais avec un gros potentiel émotionnel !

Un conte de Noël ? Pas sûr... Un beau film ? Sans l'ombre d'un doute !

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