Critique ciné (+ podcast 24FPS) : Star Trek Into Darkness

"Star Trek" c'est plus qu'une saga de science-fiction, c'est une institution (surtout aux Etats-Unis). Lancée à la télévision en 1966 par le producteur Gene Roddenberry, la première série télévisée classique (3 saisons - 79 épisodes de 1966 à 1969) n'aura pas pu aller à son terme faute d'audiences satisfaisantes, mais ne cessera d'étendre son influence à travers d'innombrables rediffusions pendant les deux décennies suivantes (sans oublier une série animée qui en prendra le relais le temps de 2 saisons - 22 épisodes en 1973/74). Ce succès se matérialisera par le biais d'une série de six films avec l'équipage original à partir de 1979, des films qui auront pris la place d'une seconde série qui n'a jamais vu le jour.
Parmi ces films, on retiendra le premier et très (trop ?) ambitieux "Star Trek - Le Film" (1979) et surtout "Star Trek II - La Colère De Khan" (1982) qui faisait revenir un méchant vu dans la série d'origine pour un film encore considéré comme le meilleur de la saga réunissant le casting original. Il est vrai que les films suivants, "Star Trek III - À La Recherche De Spock" (1984) et "Star Trek IV - Retour Sur Terre" (1986), tous deux réalisés par Leonard Nimoy (l'interprète de Spock), puis "Star Trek V - L'Ultime Frontière" (1988), celui-ci étant réalisé par William Shatner (l'interprète du capitaine Kirk), étaient loin d'être aussi bons, surtout le dernier qui battait des records de bêtise et de nullité. Après avoir tout de même relevé un peu le niveau avec "Star Trek VI - Terre Inconnue" (1991) où l'on avait fait revenir le réalisateur du second film pour la toute dernière aventure de l'équipage d'origine qui commençait tout de même à vieillir sérieusement, il était grand temps de passer à autre chose.

Car à la télévision, une nouvelle série avait débuté depuis 1987 : "Star Trek : La Nouvelle Génération" (7 saisons - 178 épisodes de 1987 à 1994). Et c'est après la fin de celle-ci que le nouvel équipage du vaisseau USS Enterprise (cette série se déroulant un siècle après celle d'origine) mené par le capitaine français Jean-Luc Picard (interprété par Patrick Stewart, connu depuis pour son rôle de Professeur Xavier dans les films "X-Men") aura droit à ses films au cinéma en commençant par le sympathique "Star Trek - Générations" (1994) qui sera l'occasion de montrer officiellement un sorte de passage de relais entre les capitaines Kirk et Picard via une astuce temporelle. Suivront rapidement "Star Trek - Premier Contact" (1996), "Star Trek - Insurrection" (1998) et "Star Trek - Nemesis" (2002) qui sera le dernier film avant un bon moment pour cause de critiques mitigées et surtout de résultats financiers catastrophiques. Pendant ce temps-là, d'autres séries télévisées ont fait leur apparition avec "Star Trek - Deep Space Nine" (7 saisons - 176 épisodes de 1993 à 1999), "Star Trek - Voyager" (7 saisons - 172 épisodes de 1995 à 2001) et enfin "Star Trek - Enterprise" (4 saisons - 98 épisodes de 2001 à 2005), cette dernière se déroulant un siècle avant la série originale, contrairement aux autres qui se déroulaient après.

En 2005, les scénaristes du film "Mission : Impossible III" (réalisé par J.J. Abrams) sont approchés pour écrire un nouveau film "Star Trek" qui raconterait les débuts de l'équipage original au sein de l'USS Enterprise (un projet que Gene Roddenberry voulait mettre en scène depuis les années 60, mais qu'il n'a jamais pu concrétiser jusqu'à sa mort en 1991). Abrams, qui est alors en train de réaliser son tout premier film pour le cinéma, se joint au projet en tant que producteur. Mais le créateur des séries "Felicity", "Alias" et "Lost" se voit également confier le rôle de réalisateur en 2007, malgré le fait qu'il ne se considère pas comme un fan hardcore de la franchise (ce qui est considéré comme un avantage vu qu'il doit faire redécouvrir cet univers à toute une nouvelle génération de spectateurs). Le célèbre équipage d'origine composé de Kirk, Spock, McCoy, Uhura, Scott, Sulu et Chekov est désormais interprété par les jeunes acteurs que sont Chris Pine, Zachary Quinto, Karl Urban, Zoe Saldana, Simon Pegg, John Cho et Anton Yelchin, tandis que l'histoire de ce nouveau film sorti en 2009 prend un nouveau départ dans la saga sans effacer l'univers d'origine via une pirouette temporelle plutôt maline. Quelques libertés sont donc prises au sein de cette nouvelle ligne temporelle (destruction de la planète Vulcain, un Spock bien plus émotif que le personnage d'origine, etc...) mais l'ensemble s'avère être un divertissement d'une très grande qualité qui satisfait la grande majorité des fans d'origine (malgré une orientation très action, jamais vue à ce niveau dans la saga) aussi bien que les spectateurs qui connaissent mal la franchise. Le succès critique est énorme, le succès financier est correct, il et donc évident qu'une suite doit voir le jour. J.J. Abrams est toujours à la réalisation, et c'est en septembre 2012 qu'on apprend que ce second film (ou 12ème si on prend tous les autres en compte) va s'appeler "Star Trek Into Darkness".


L'histoire : désormais capitaine de l'USS Enterprise, James Kirk ne cesse de faire preuve de désobéissances et d'entorses au règlement de la Fédération des Planètes Unies. Alors qu'il est de retour à la base de Starfleet pour faire face aux conséquences de ses actes, un mystérieux ennemi s'attaque à l'organisation pour des raisons inconnues...

De l'action, de l'action et encore de l'action ! Cela semble avoir été la ligne directrice des scénaristes Alex Kurtzman et Roberto Orci (déjà scénaristes du film de 2009) qui sont ici aidés de Damon Lindelof  (qui n'était que producteur sur le premier film et qui s'est récemment illustré en signant le scénario de l'infâme "Prometheus"). De l'action il y en a énormément au début, énormément à la fin, et un peu moins au milieu. Mais tout de même, on est en droit de se demander s'il n'y en a pas un peu trop... Surtout au début en fait, là où on met tout de suite le paquet visuellement tandis que l'histoire progresse un poil trop lentement. Du coup, ça porte un peu préjudice au second tiers du film qui parait un peu mou en comparaison. Sinon, (et loin de moi l'idée de dire qu'il ne faut pas que ça bouge trop dans un film "Star Trek") il faut quand-même avouer qu'un tel niveau d'action est peut-être un peu "too-much" dans le sens où le film va trop loin dans le côté "blockbuster" de l'été, vous savez ceux où on ne réfléchit pas trop et où on se contente d'en prendre plein la gueule. Ce n'est pas tout à fait le genre d'orientation qu'on attend d'un film de cette saga, et les trekkies qui avaient déjà pesté contre cette approche dans le film de 2009 risquent détester encore plus "Star Trek Into Darkness". Mais malgré cette surenchère d'action, on ne peut pas nier qu'on en prend régulièrement plein la figure et que ça fait du bien, étant donné que les scènes et les décors sont tout de même assez variés pour qu'on frôle l'overdose sans toutefois l'atteindre (quoique cette appréciation va énormément varier d'un spectateur à l'autre). Un peu plus de mesure et d'équilibre de ce côté-là aurait tout de même été bienvenu...

Là où il y a également un petit souci d'équilibre, c'est au niveau du scénario. Celui-ci met en effet trèèèèès longtemps à se dévoiler complètement, ce qui, en un sens, est une qualité vu que l'ensemble se renouvelle régulièrement. Sauf que la première demi-heure du film est un peu trop creuse en termes d'informations essentielles tandis que la fin du film se révèle presque trop riche de ce côté. On n'ira pas jusqu'à dire que ça en devient difficile à assimiler, mais ce manque d'équilibre est tout de même un peu surprenant. En revanche, le scénario ne nous épargne pas quelques grosses ficelles assez honteuses, surtout lorsqu'elles concernent des éléments majeurs concernant certains personnages. Bref, on a connu plus fin comme écriture, et cela gâche un peu le sérieux de l'ensemble. D'ailleurs, les gags et les dialogues amusants semblent encore plus nombreux quand dans le métrage précédent. On ne boudera pas son plaisir devant les différentes piques que s'envoient régulièrement Kirk, Spock ou McCoy, mais on se demande parfois si ça ne va pas trop loin, notamment avec le personnage de Scotty (Simon Pegg) qui tend plus souvent vers la bouffonnerie que vers le personnage un peu débonnaire qu'il était à l'origine. Encore une fois, les trekkies risquent d'avoir du mal à digérer cette orientation ! En revanche, ils apprécieront certainement les nombreuses allusions à des personnages déjà bien connus des fans ou à des situations très célèbres qui se déroulaient dans la série ou les films qui réunissaient l'équipage d'origine. Quoique, là aussi les scénaristes ont peut-être été un peu trop loin car reprendre des situations aussi cultes (en copiant parfois les plans ou les dialogues d'origine) pour les modifier aussi drastiquement, c'est jouer avec les nerfs des fans les plus hardcore au risque de se les mettre à dos. Un jeu dangereux, surtout à l'heure actuelle où les fans en colère n'hésitent pas à se faire entendre sur la toile...

(L'antagonisme du duo principal fonctionne toujours aussi bien...)

Si on est ravis de retrouver les personnages principaux du "Star Trek" de 2009, force est de constater qu'ils n'évoluent pas beaucoup ici. On pourrait presque même parler de régression en ce qui concerne James Kirk au début du film, puisqu'on le fait légèrement revenir sur ses acquis, comme si la fin du film précédent avait été trop loin dans ce sens. Spock reste en revanche très fidèle à lui-même et se révèle toujours aussi bien interprété par Zachary Quinto, même s'il reste trop émotif par rapport à ce qu'il était dans la série d'origine (encore un point qui n'a pas fini d'agacer les fans, mais qui n'est pas dû à l'acteur). Chekov et Sulu passent en revanche clairement au second plan et se voient confier juste une poignée de scènes. Scotty a déjà été évoqué plus haut, tandis que Uhura semble importante en début d'histoire (quand celle-ci manque encore de consistance) avant de passer complètement à la trappe. Dommage... McCoy est en revanche toujours là pour faire part de ses sarcasmes et le duo de tête est toujours aussi plaisant dans son mélange subtil entre complicité et antagonisme. Une nouvelle venue vient tout de même enrichir la petite équipe en la personne de Carol Wallace, un personnage qui restera mineur pour le grand public mais qui rappellera forcément quelque-chose aux trekkies les plus assidus. Personnellement, je me suis également réjoui de revoir l'acteur Peter Weller (ultra-célèbre pour son interprétation de "RoboCop" en 1987) dans le rôle de l'Amiral Marcus.

Du côté des méchants, J.J. Abrams avait promis qu'on verrait enfin des Klingons (l'une des races les plus populaires de la franchise) dans ce nouveau film. Mouais, je serais vous, j'en attendrais pas trop de ce côté-là... En revanche, ça fait déjà un petit moment que la campagne de promo du film nous vend le personnage interprété par Benedict Cumberbatch (de la série "Sherlock") comme le méchant ultime qui va sérieusement bouleverser l'univers de nos héros. En fait, il est dommage que le scénario soit aussi avare en détails en ce qui le concerne, car on aimerait vraiment en savoir davantage à son sujet. L'interprétation de Cumberbatch est très impressionnante, aussi bien physiquement qu'au niveau de son charisme assez colossal (sans oublier la voix de l'acteur, grave et puissante en VO). Et là, il faut bien dire que tout le mérite revient à l'interprète qui fait exister le personnage et lui donne une épaisseur que le scénario peine à lui confier. Mais si on ne réfléchit pas trop, ça passe tout seul et on obtient effectivement un méchant particulièrement efficace. En revanche, le côté sombre du film qui était tant vendu dans les trailers ne se retrouve absolument pas dans le produit final vu l'énorme quantité d'action qu'on se ramasse en permanence dans la tronche.

Niveau réalisation, on retrouve les principaux tics de J.J. Abrams, donc les tremblements de caméra, les plans de traviol et les halos lumineux sont toujours autant de la partie. C'est parfois un peu exagéré, mais ça ne gêne pas l'ensemble qui reste tout de même bien musclé et plutôt lisible. On retrouve également les musiques de Michael Giacchino ("John Carter"), toujours aussi entrainantes et puissantes, qu'il s'agisse du nouveau thème de la saga (introduit dans le film de 2009) ou du thème d'origine complètement réorchestré dans le générique de fin (comme en 2009).



"Star Trek Into Darkness" est surtout, et avant-tout, un énorme blockbuster à l'action tonitruante, aux effets visuels exceptionnels et à l'humour bien senti (mais parfois un peu lourd). En revanche, le côté "Star Trek" disparait un peu derrière tout ça, et les fans de la première heure risquent plus que jamais de se sentir laissés de côté par cette orientation hyper-hollywoodienne et qui sent bon le gros produit de consommation. Les références à l'univers d'origine sont tout de même très nombreuses, et même si elles risquent parfois de prendre les fans les plus hardcore à rebrousse-poil, elles auront au moins le mérite de ne pas les laisser indifférents. On regrettera tout de même de grosses ficelles dans le scénario et un équilibre général un peu bancal, tandis que les personnages déjà connus n'évoluent absolument pas par rapport au premier film. On se contente juste de pousser encore plus loin leurs qualités ou leurs défauts, mais le tout manque sérieusement d'audace et de surprises.

Quoi qu'il en soit, le spectacle est tout de même largement assuré et il sera difficile de voir passer les 2h10 de ce concentré d'action/science-fiction. Les chiffres du box-office devraient largement dépasser ceux de 2009 et un 3ème film est déjà quasiment assuré de voir le jour. Le problème c'est que J.J. Abrams ne pourra pas s'en charger puisqu'il va aller s'amuser du côté de "Star Wars" d'ici 2015. En espérant qu'il n'en fasse pas un simple blockbuster burné comme il l'a fait avec "Star Trek"...

Bien entendu, il y a de très nombreux aspects de "Star Trek Into Darkness" qui ne peuvent être évoqués dans cette critique écrite puisque les spoilers y sont proscrits (par moi-même). En revanche, je ne saurais que vous conseiller d'aller jeter une oreille sur le dernier épisode en date de 24FPS, le podcast ciné avec ou sans spoilers, dans lequel Julien et moi vous avons concocté un nombre incalculable d'anecdotes qui feront de vous un spécialiste de la saga. Vous y trouverez également notre critique complète du film avec des analyses détaillées de toutes les scènes et des discussions pleines de révélations qui vous intéresseront sûrement si vous avez déjà vu le film. Donc pour écouter l'émission en streaming, la télécharger au format mp3 ou vous y abonner grâce aux flux RSS ou iTunes, il vous suffit de cliquer sur l'image ci-dessous afin de vous rendre sur la page officielle de 24FPS :

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