Critique ciné : Kick-Ass 2

Souvenez-vous, en avril 2010 sortait sur les écrans français un film tiré d'un comic-book bien moins consensuel que les habituelles adaptations de licences Marvel ou DC Comics. Il s'agissait de "Kick-Ass" (ma critique du premier film : ici), le film qui a révélé les jeunes acteurs Aaron Taylor-Johnson et surtout Chloë Grace Moretz (qui n'avait que 13 ans à l'époque) qui y incarnaient de jeunes justiciers masqués qui officiaient aux côtés de (ou contre) les personnages incarnés par Nicolas Cage et Mark Strong.

Violent, intransigeant, drôle et jouissif, ce film inspiré du comic-book du même nom de Mark Millar et John Romita Jr. avait connu un très beau succès au box-office et avait permis à son réalisateur Matthew Vaughn ("Layer Cake") de se faire remarquer à Hollywood pour s'y voir confier la réalisation du très bon "X-Men : Le Commencement" ! On a rapidement appris que "Kick-Ass" connaitrait une suite mais Matthew Vaughn a préféré passer la main à Jeff Wadlow ("Cry Wolf", "Never Back Down") pour s'occuper du nouveau film de la saga des mutants : "X-Men : Days Of Future Past". Or Matthew Vaughn a également quitté ce projet il y a quelques mois (qui est alors revenu dans les mains de Bryan Singer, le réalisateur/scénariste des meilleurs épisodes de la saga) pour aller réaliser une adaptation du comic-book "The Secret Service" une nouvelle fois écrit par Mark Millar mais cette fois dessiné par Dave Gibbons ("Watchmen").

Quoi qu'il en soit, Matthew Vaughn reste producteur de ce nouveau film adapté des comics "Kick-Ass 2" et "Hit Girl" (toujours par les mêmes auteurs que "Kick-Ass") et Aaron Taylor-Johnson et Chloë Grace Moretz y reprennent bien évidemment leurs personnages de Kick-Ass et Hit-Girl. Christopher Mintz-Plasse (inoubliable McLovin dans "Supergrave") est également de retour mais son personnage de Red Mist change de nom dans cette suite logiquement appelée "Kick-Ass 2" (et non-pas "Kick-Ass : Balls To The Wall" comme cela avait pourtant été annoncé au départ). Jim Carrey complète le casting dans le rôle surprenant du Colonel Stars & Stripes, un nouveau venu dans cette histoire...


L'histoire : en conséquence de ses agissements passés, Kick-Ass est désormais le leader de toute une bande de super-héros amateurs comprenant notamment le Colonel Stars & Stripes. Hit-Girl de son côté, tente de s'adapter à sa nouvelle vie et découvre les difficultés de la scolarité tout en laissant de côté son alter-égo masqué. Mais Red Mist, qui a décidé de se renommer Motherfucker, n'a pas abandonné ses désirs de vengeance...

Si Kick-Ass et Hit-Girl sont bien les personnages principaux de cette histoire, et que Motherfucker en est l'antagoniste, il faut se rendre à l'évidence que le film montre en fait leurs trois parcours de façon assez indépendante, et qu'ils ne se croisent finalement qu'en de rares occasions. Du coup ce sont bien trois histoires que l'on suit en sautant sans cesse de l'une à l'autre, une étrangeté qui n'aide pas vraiment vraiment le long-métrage à maintenir un rythme captivant, d'autant plus que ces trois scénarios sont tous loin d'être passionnants. Celui qui concerne Kick-Ass est plutôt sympa, puisque le jeune homme qui pense avoir fait ses preuves en solo souhaite passer à l'étape suivante : celle de l'équipe de super-héros. Difficile de ne pas comprendre ce qu'il ressent alors que certains rêves de lecteur de comics se matérialisent devant lui. Le parcours de Motherfucker est plus complexe, mais on a énormément de mal à croire que ce personnage souvent ridicule dans ses agissements puisse devenir un méchant d'une telle envergure. Faut-il vraiment qu'il se ridiculise aussi régulièrement ? Car contrairement au premier film où son père représentait une menace motivée et concrète envers les héros, Chris D'Amico se contente d'enchainer les idées saugrenues pour ne devenir réellement effrayant qu'après un long moment. Et encore, en regardant bien, c'est plus de son entourage que de lui-même que provient réellement ce sentiment de menace. Il aurait fallu choisir plus clairement le camp de ce personnage, mais on ne peut pas être à la fois un bouffon et un méchant charismatique (le personnage passe parfois pour un idiot dans les comics, mais sans tomber autant dans le ridicule et le comique de répétition).

Mais pour moi, la plus grosse déception vient du traitement réservé à Hit-Girl. Elle était de loin le protagoniste le plus surprenant et le plus renversant du premier film, grâce à son attitude (et ses dialogues) hyper bad-ass ainsi que ses capacités au combat. Malheureusement, son enjeu principal ici est de trouver comment s'intégrer aux filles les plus en vue du lycée. Bien que cet arc narratif soit également présent dans la courte série de comic-books "Hit Girl" essentiellement centrés sur elle (même si le déroulement est très différent en version papier), on a énormément de mal à croire qu'elle puisse autant se laisser déstabiliser par tout ça, alors qu'elle est capable de tuer toute une bande d'hommes armés de sang froid d'un autre côté. Mais on est également très frustrés en ce qui concerne sa vie de super-héroïne ultra-violente, car ce côté de sa personnalité est finalement assez peu présent dans le film (pour un motif qui paraît bien léger), au profit de cette quête personnelle relativement accessoire à côté de l'évolution bien plus importante que connaissent Kick-Ass et Motherfucker...

(Malgré l'importance donnée à Hit-Girl dans la promotion du film, d'autres personnages secondaires s'avèrent bien plus intéressants...)

Mais au fait, il y a Jim Carrey dans ce film ! Euh... Mouais... J'avais rarement vu une campagne de promotion aussi poussée pour un rôle aussi mineur. Bon, ceux qui avaient lu les comics se doutaient que l'importance du Colonel Stars & Stripes ne serait pas si grande que ça, mais pour les autres, la déception doit être immense (et compréhensible). Enfin bon, l'acteur est tout de même très bon même s'il ne fait pas ses pitreries habituelles et qu'il s'avère presque méconnaissable, c'est même pour ça qu'il est bon en fait, car on n'a pas le loisir de le voir à l'œuvre dans beaucoup de scènes. Dommage, encore une frustration de plus. Signalons aussi que certains acteurs ont changé depuis le premier film. Ainsi, Marcus (le tuteur de Mindy/Hit-Girl) et Todd (l'un des meilleurs amis de Dave/Kick-Ass) changent de visage, ce qui ne choquera certainement pas la majorité du grand public, mais qui aura tendance à énerver les fans du film de 2009. Le personnage de Todd devient d'ailleurs détestable au plus haut point, alors qu'il n'apparait que dans 2 ou 3 scènes, tandis que Marty (l'autre ami de Dave, le gros à lunettes) prend beaucoup plus d'importance. Les personnages secondaires sont très nombreux dans cette suite, mais la plupart ne font que des apparitions éphémères alors qu'on a l'impression qu'il sont développés comme des protagonistes importants. Signalons dans ce cas précis les pourtant très bons John Leguizamo ("Super Mario Bros.", "Romeo + Juliette", "Spawn", "Summer Of Sam", "Moulin Rouge!", ici dans le rôle de l'assistant de Motherfucker) et Iain Glen (le docteur Isaacs des films "Resident Evil", mais surtout Ser Jorah Mormont dans la série "Game Of Thrones", ici dans le rôle de l'oncle de Chris/Motherfucker). Dommage pour eux, ils ne servent quasiment à rien... C'est finalement dans l'entourage le plus proche du super-gentil et du super-méchant qu'on trouvera les personnages les plus intéressants, comme Night Bitch (la jolie rousse Lindy Booth) ou Docteur Gravity (Donald Faison, le fameux Turk de la série "Scrubs") du côté de Kick-Ass, et bien évidemment la très impressionnante Mother Russia (interprétée par la bodybuildeuse Olga Kurkulina) qui ne peut que générer un sentiment de malaise aux côtés de Motherfucker. Difficile de dire, en revanche, si c'est à cause de son attitude ultra-violente ou de son physique très masculin, vu qu'elle est relativement dévêtue et perchée sur des talons hauts... N'oublions pas de signaler également Katie Deauxma (Lyndsy Fonseca), la fille rêvée de Dave/Kick-Ass qui tenait une place très importante dans le premier film alors qu'elle ne fait ici que deux apparitions très furtives. Dommage, dommage...

Le film ne contient au final pas tant de scènes d'actions qu'on pourrait le croire, mais celles que l'on peut y voir sont généralement assez correctes et plutôt violentes (même si elles restent à des années lumière de la violence incroyable du comic-book d'origine. On notera tout de même les fonds verts hyper-visibles et de très mauvais goût dans la scène où Mindy/Hit-Girl s'attaque à un van plein d'hommes armés. Si le reste du film ne bénéficie pas forcément d'une photo extraordinaire, ça aurait pu presque passer inaperçu si cette scène ne venait pas nous rappeler une fois pour toute à quel point tout ça est mis en scène sans grand talent par un Jeff Wadlow très peu inspiré. Les décors factices sont rares dans "Kick-Ass 2", mais ils sont tout d'un coup légion lors de la grande scène finale (qui n'est pas la plus réussie du film). Du côté de la musique, on ré-entend heureusement les meilleurs passages de la bande-originale de "Kick-Ass" (la musique de fin !!!), mais il n'y a rien de bien neuf à se mettre sous la dent...



S'il contient quelques moments très drôles et diverses scènes assez musclées, "Kick-Ass 2" déçoit tout de même sur pas mal de points par rapport à son prédécesseur. L'histoire est loin d'être bien écrite, bien construite et bien rythmée, et elle s'avère même franchement inintéressante et difficilement crédible lors de certains passages. Et si on excepte quelques excès de la part du Colonel Stars & Stripes ou de Mother Russia, la violence est très loin d'être aussi décalée et surprenante que dans "Kick-Ass". Trop de personnages radicalement différents évoluent conjointement dans ce même univers, car aussi bizarre que cela puisse paraitre, le premier film paraissait bien plus cohérent et crédible que cette suite qui multiplie les facilités et les fautes de goût. On a perdu en route ce qui faisait le charme de la licence, c'est à dire de vrais personnages hauts en couleurs (et pas juste des clichés), une vraie folie dans la motivation des protagonistes (Motherfucker est trop ridicule pour effrayer), et surtout une violence aussi soudaine qu'étonnante et inhabituelle, surtout lorsqu'elle émane d'une gamine de 13 ans.

"Kick-Ass 2" reste tout de même un divertissement plaisant, avec des gags pipi-caca et des gros mots et de la baston. Bref, un teen-movie vite consommé et vite oublié. Mais l'une des grandes qualités de "Kick-Ass" premier du nom était justement d'avoir évité cet écueil-là, et il est dommage qu'on arrive parfois à s'ennuyer devant un film qui ne dure qu'un peu plus d'1h40.

Espérons que Matthew Vaughn revienne à la barre d'un troisième film, si celui-ci voit le jour, car le plus grand mérite de ce second épisode est finalement de montrer (si c'était encore nécessaire) que le metteur en scène avait fait preuve d'un grand talent sur le film de 2010 qui n'était pas aussi bête qu'il en avait l'air... Et par pitié, qu'on nous rende une Hit-Girl beaucoup plus présente !!!

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