Critique ciné : Skyfall

"Skyfall" est le 23ème film de la saga James Bond, il est le troisième à être porté par l'acteur Daniel Craig et il fait donc suite à "Casino Royale" (2006) et "Quantum Of Solace" (2008) même si son scénario, lui, n'en est pas une suite directe.

Le réalisateur britannique Sam Mendes est déjà connu pour avoir réalisé le sublime "American Beauty" (1999) ainsi que "Les Sentiers De La Perdition" (2001), "Jarhead - La Fin De L'Innocence" (2005) et "Les Noces Rebelles" (2009).

Le film a connu un gros retard dans son développement à cause de la faillite de la MGM en 2010. Il a fallu attendre que cette société de production historique améliore sa santé financière en 2011 pour que "Skyfall" entre enfin en production.

Inutile d'en dire davantage sur le film et ce personnage extrêmement célèbre, il est temps de poser la question : le résultat final est-il à la hauteur des attentes (forcément immenses) ?


L'histoire : suite à la perte d'un fichier informatique de grande valeur, le MI6 est sous pression et le gouvernement anglais demande des comptes, tandis que James Bond est déclaré mort en mission. Mais la plus grande menace qui pèse sur le MI6 semble venir d'un mystérieux ennemi qui semble animé d'un désir de vengeance...

Même si le film démarre sur les chapeaux de roue grâce à une scène de course-poursuite plutôt impressionnante, celle-ci ne s'avère pas aussi percutante que celle, par exemple, de "Casino Royale". La scène est loin d'être mauvaise, loin de là, mais même si elle enterre n'importe-quelle scène se déroulant également à Istamboul dans le lamentable "Taken 2", on sent une certaine mollesse dans la réalisation qui montre que ce n'est peut-être pas dans le domaine de l'action pure que le réalisateur Sam Mendes est le plus à l'aise. Car si "Skyfall" contient un nombre tout à fait honorable de scènes d'action, ce n'est peut-être pas cet aspect que l'on retiendra le plus du film cette fois étant donné que son metteur en scène préfère ici montrer de très belles images bien posées au spectateur, sans lui laisser l'occasion de les rater puisque le rythme général du film est tout aussi posé que ses scènes et que la durée totale du métrage atteint les 2 heures et 23 minutes. Mais n'ayez crainte, on ne voit pas le temps passer et seule la scène d'action qui ouvre le film contient de petits soucis de rythme (et des plans retouchés bien trop visibles) ! Après cette scène qui contient tout de même son lot de surprises et qui met bien en place les personnages de James Bond et sa collègue Eve (interprétée par Naomi Harris, déjà vue dans "28 Jours Plus Tard"), l'histoire peut enfin commencer à se mettre en place et c'est l'un des plus gros points forts de "Skyfall" : un scénario intelligent et surprenant qui se dévoile peu à peu, jusqu'à la toute fin du film.

Un scénario sous forme d'enquête qui n'est d'ailleurs pas si courant dans la cinématographie de James Bond car le grand méchant (interprété par Javier Bardem) est tout doucement mis en place au fil des événements au lieu d'être tout de suite présenté en début de film. Une petite originalité très appréciable puisqu'elle permet au personnage de posséder un fort charisme bien avant sa première apparition à l'écran ! Mais ce n'est pas la seule originalité de "Skyfall" car en fait tous les éléments du film bousculent les habitudes de la saga via des images et des situations et des dialogues inhabituels qui frôlent parfois la mise en abîme ou l'auto-critique de son personnage phare tout en utilisant d'innombrables éléments classiques et incontournables ! Si cela semble contradictoire sur le papier, cet habile mélange entre le passé parfois très cliché de 007 et sa mise en relation avec le monde dans lequel nous vivons actuellement est l'un des coups de génie du film de Sam Mendes qui saura donc satisfaire à la fois les spectateurs attachés au respect des éléments indissociables de la saga, aussi bien que les spectateurs en quête de fraîcheur et de renouveau dans la série ! Si une telle volonté se faisait déjà sentir dans "Casino Royale" en 2006, "Skyfall" pousse le concept beaucoup plus loin et l'amène à son paroxysme en appliquant à merveille le concept de "faire du neuf avec du vieux".

(L'opposition entre les nouvelles et anciennes méthodes est l'une des composantes majeures de "Skyfall" !)

Mais Sam Mendes ne se repose pas que sur des concepts car il n'oublie pas de mettre en images son film de façon posée, claire et lisible via des séquences qui s'annoncent déjà comme cultes ! Difficile d'oublier la sublime séquence de combat entre ombres et lumières sur les hauteurs de Shanghai ou les exceptionnelles scènes de cartes postales qui ne peuvent que donner envie de visiter la Chine folklorique ou les terres les plus reculées d'Écosse, même si Daniel Craig y prend parfois la pose d'une manière parfois exagérée mais souvent terriblement impressionnante ! Le film pourra paraître longuet pour certains, mais c'est un véritable bonheur de pouvoir prendre ainsi son temps pour appréhender l'histoire, les personnages et les décors. Quelle superbe idée que de s'éloigner ainsi du rythme mené tambour battant par la plupart des films d'action/espionnage pour proposer un vrai spectacle intelligent où la beauté des images que l'on peut observer longuement n'a d'égal qu'un scénario qui dénonce, compare, se moque, émeut, fait rire ou effraie sans jamais oublier de raconter une histoire portée par des personnages forcément impressionnants de par leur présence et leur rôle !

OK, soyons francs, "Skyfall" n'est peut-être pas le film où les James Bond Girls sont les plus mises en avant, mais je préfère voir brièvement des jolies nanas (dont la française Bérénice Marlohe, sublime et dérangeante en femme fatale) bien intégrées à l'histoire plutôt qu'une potiche mal fagotée mais omniprésente et une jolie plante qui arrive comme un cheveu sur la soupe et ne dure que le temps de deux scènes comme c'était le cas dans "Quantum Of Solace". Car si ces jolies filles sont un peu reléguées au second plan, c'est pour faire de la place à celle qui donne toute sa saveur au James Bond interprété par Daniel Craig grâce à son autoritarisme mêlé de confiance et de protectionnisme. Je veux bien sûr parler du personnage de M, interprété pour la 7ème fois par Judi Dench, qui se retrouve elle aussi au centre des événements pour le plus grand bonheur de ceux qui, comme moi, trouvaient que ses scènes avec James Bond figuraient parmi les meilleurs moments visibles dans les deux film précédents.
N'oublions pas non-plus de mentionner la performance d'acteur Javier Bardem qui nous livre un méchant complexe, ambivalent, déroutant, parfois drôle et pourtant tellement terrifiant ! Une preuve supplémentaire (s'il en fallait vraiment une) qu'un très bon méchant fait souvent un très bon film !

Mentionnons également la superbe chanson interprétée par Adele au début du film lors d'un générique inhabituellement gothique et nettement moins sexy que les ouvertures traditionnelles de ces films. Une chanson qui comprend d'ailleurs le même mélange de modernisme et de classicisme que le film lui-même ! Notons également également les thèmes musicaux composés par Thomas Newman, bien adaptés aux situations et qui prennent parfois des accents "batman-esques" lors de certains passages... Ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre !



En alliant avec brio tradition et renouveau, Sam Mendes offre à la saga l'un de ses meilleurs épisodes mais signe également un grand film de cinéma bourré d'émotion, de dialogues savoureux et d'images sublimes ! On ne pouvait pas rêver mieux pour fêter les 50 ans de ciné du plus célèbre espion britannique et "Skyfall" est également l'une des plus belles réussites cinématographiques de l'année 2012 !

On en redemande forcément mais c'est le genre de film déroutant et original qui ne fonctionne qu'une fois alors le mieux c'est d'espérer que les prochains épisodes seront également confiés à de véritables auteurs qui sauront eux-aussi insuffler leur vision du personnage via des expériences inédites dans lesquelles on ne demande qu'à se plonger. Après tout, cela semble légitime de demander un peu d'originalité après 50 ans de carrière...

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