Critique ciné : The Dictator

Le cinéma de Sacha Baron Cohen est jusqu'ici basé sur des personnages hauts en couleurs. En effet l'acteur/humoriste britannique a fait sa première apparition dans les salles obscures en 2002 avec "Ali G", son personnage le plus connu à l'époque (au Royaume-Uni). Ali G est un jeune fan anglais (et un peu con, un trait commun à tous les personnages créés par Cohen) de hip-hop, mais qui vit, s'exprime et s'habille comme un véritable gangsta américain (du moins c'est ce qu'il croit). Le personnage était connu à la télévision anglaise pour son "Da Ali G Show", une émission/série où il a interviewé/piégé de nombreuses personnalités du monde du sport, de la culture ou de la politique avec des tenues et un langage volontairement outranciers. Dans le film, il entrait dans le milieu de la politique anglaise par accident et générait de nombreux quiproquos à cause de son style de vie fantasmé. Il s'agissait d'une comédie assez moyenne à l'humour très lourdingue.

Mais Sacha Baron Cohen a été révélé au monde entier (et surtout aux USA) grâce à ses deux films suivants dans lesquels il mettait en scène deux autres personnages créés à l'origine pour le "Da Ali G Show". Il y eut tout d'abord "Borat" en 2006, mais ce film avait une forme particulière : il s'agissait d'un mélange de scènes jouées (souvent en pleine rue et avec seulement 1 ou 2 autres véritables acteurs pour tout le film) et de scènes plus ou moins improvisées face à des anonymes qui pensaient avoir affaire à un journaliste venant du Kazakhstan qui réalisait un documentaire sur la culture américaine. Le film fit scandale puisqu'il montrait certains des aspects les moins nobles du peuple américain mais fut un énorme succès, tandis que Sacha Baron Cohen croulait sous les procès…

Cela ne le découragea pas le mois du monde puisqu'il remit le couvert en 2009 avec un autre de ses personnages célèbres : "Brüno" ! La forme du film était sensiblement la même que pour "Borat" sauf que cette fois, Sacha Baron Cohen avait décidé de titiller les américains sur l'un des sujets qui les scandalise le plus, à savoir la sexualité. Pour cela, il incarnait cette fois un journaliste de mode autrichien et gay. Le film fut une nouvelle fois un énorme succès, avec encore une fois bon nombre de scandales et de procès à la clé.

Notons que la plupart des personnages interprétés par l'humoriste sont ouvertement (et violemment) antisémites. Il s'agit évidemment d'une provocation supplémentaire puisque Sacha Baron Cohen est lui-même juif.

Pour son nouveau film, "The Dictator", Sacha Baron Cohen retrouve Larry Charles, le réalisateur de "Borat" et "Brüno", mais il revient à un format de film plus classique, celui de la comédie de fiction, comme c'était le cas pour "Ali G". Il incarne cette fois l'Amiral Général Aladeen, un tyran à la tête du pays fictif de Wadiya censé se situer au Proche-Orient. Ce n'est pas la première fois que Sacha Baron Cohen s'attaque à des sujets sensibles comme la politique internationale dans cette partie du monde, mais visiblement cette fois il a décidé de mettre le paquet ! Son nouveau personnage s'inspire d'ailleurs très ouvertement de véritables dictateurs tels que Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi tandis que certaines situations sont très similaires à l'actualité de pays comme l'Iran ou la Syrie.


L'histoire : l'Amiral Général Aladeen est l'heureux dictateur de la nation de Wadiya. Mais des menaces occidentales causées par son programme nucléaire secret l'obligent à se rendre aux Etats-Unis afin de défendre sa position auprès de l'ONU. Il est victime d'une conspiration une fois sur place et se retrouve perdu à New-York où personne ne le reconnait. Il va alors devoir (ré)apprendre à vivre (les vieilles habitudes ont la vie dure) mais son but principal reste d'empêcher la démocratie de s'installer dans le pays qu'il aime tant oppresser…

Les choses sont claires dès les 5 premières minutes : l'humour est très très bas du front. L'écrasante majorité des gags du film sont bêtes et éculés et seul un public facile (visiblement venu en nombre à la même séance que moi) rira de bon cœur face à de telles idioties. On était en droit d'attendre une critique grinçante des plus grands dictateurs actuels ou récents, et à la place on n'a droit qu'à des situations comiques ridicules (voire lamentables) et qu'on voit souvent venir à des kilomètres. Pire, les rares gags amusants du film (moins d'une dizaine pour tout le métrage) sont plutôt ceux qui tournent autour des sujets pipi/caca ou du sexe, comme dans l'incroyable scène de l'accouchement. Si le personnage d'Aladeen mentionne régulièrement des sujets sensibles en ce qui concerne les droits de l'homme, ce n'est que le temps d'une blague (la plupart du temps assez mauvaise) et le film ne dénonce au final absolument rien ! Pour faire simple, "Borat" et "Brüno" dénonçaient beaucoup plus de choses tandis que le Saddam Hussein vu dans "Hot Shots ! 2" (1993) était un million de fois plus drôle dans ses quelques scènes que l'intégralité des propos faussement choquants d'Aladeen. Du point de vue humoristique, "The Dictator" est donc un ratage total et on s'ennuie ferme face à ce scénario poussif qui n'est là que pour mettre en scène les divers gags. Heureusement que le tout ne dure guère plus d'1h20...

(Je vous disais que c'était pipi/caca...)

Côté casting, on se demande ce que Ben Kingsley ("Gandhi", "La Liste De Schindler", "Slevin", l'excellente comédie noire "You Kill Me", "Shutter Island", "Hugo Cabret" et bientôt dans "Iron Man 3") est venu faire dans cette galère ! Son personnage est assez peu présent et ne sert que de faire-valoir à l'Amiral Général Aladeen. Le même sort est réservé à l'acteur comique américain John C. Reilly ("Walk Hard - L'Histoire De Dewey Cox", "Frangins Malgré Eux", "Carnage"), encore moins présent dans le film et sous-utilisé. Seule Anna Faris (une habituée des situations ridicules puisqu'elle est la star des 4 films de la saga "Scary Movie") est présente dans quasiment tout le film, mais encore une fois dans l'unique but de servir de faire-valoir au personnage de Sacha Baron Cohen, via une romance étrange et surtout absolument pas crédible !
La réalisation est correcte mais sans plus et on note tout de même un grand soin apporté aux décors (notamment ceux du palais de Wadiya). La bande-originale du film réserve quant à elle quelques surprises puisqu'on y retrouve des morceaux classiques de Dr. Dre & Snoop Dogg ou R.E.M. mais réenregistrés et réarrangés à la gloire de l'Amiral Général Aladeen. Toutes les musiques du film ont d'ailleurs été écrites par Erran Baron Cohen, le grand-frère de vous-savez-qui…



10 après "Ali G", on pouvait s'attendre à ce que Sacha Baron Cohen ait beaucoup évolué en termes de comédie pure, mais au lieu de ça il nous ressert le même film médiocre avec beaucoup plus de moyens ! "The Dictator" nous parle donc d'un personnage détestable et prétendument ridicule, capable de beaucoup de choses mais en tout cas pas de nous faire rire (à part dans une minuscule poignée de scènes originales et bien trouvées comme celle de l'hélicoptère, mais qu'on voyait déjà beaucoup dans les trailers…) ! Sacha Baron Cohen s'avère donc beaucoup plus doué pour piéger les gens que pour les faire simplement rire, et vu qu'il affichait déjà une certaine redondance du style qui lui réussit le mieux dans "Brüno", il va devoir faire un choix pour le futur : soit il arrive à trouver un moyen de faire évoluer son concept où il piège les gens, soit il fait quelque-chose de complètement différent ! Mais la comédie satyrique, ça n'est tout simplement pas son truc…

PS : J'ai tout de même été très surpris par le caméo d'un célèbre comique/acteur français que je ne m'attendais pas du tout à voir dans "The Dictator" ! Mais ce n'est que le temps d'une scène non-humoristique et qui n'apporte absolument rien au film...

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