Critique ciné : L'Affaire SK1

De début 1991 à fin 1997, sept jeunes filles sont violées et assassinées par celui que les médias finiront par appeler "le tueur de l'est parisien". Guy Georges, pourtant auteur reconnu de nombreuses agressions violentes et à caractère sexuel n'est jamais inquiété pendant cette période (à cause, notamment, de la mauvaise coopération entre divers services de police qui traitaient séparément certains de ces meurtres), est finalement arrêté en 1998 et son procès se déroule en 2001. Ce sont ces 10 années d'enquête puis de procès, jalonnées de drames, de rebondissements, de fausses pistes et de bavures, qui sont racontées dans L'Affaire SK1.


Pour cela, on suit le parcours de l'inspecteur Franck Magne (Raphael Personnaz) au sein du 36 Quai des Orfèvres, ainsi que les questionnements de l'avocate Frédérique Pons (Nathalie Baye). Car l'enquête et le procès sont présentés en parallèle pendant tout le film, offrant ainsi au spectateur des aller-retours dans cette histoire qui présente une construction très intéressante autour du personnage de Guy Georges (Adama Niane), avant même qu'il ne soit soupçonné par la police. La mise en scène est sobre et ne cède jamais aux sirènes de la surenchère ou même à l'influence du cinéma d'action/policier américain.

Pourtant, au fil des deux heures de film, le malaise s'installe progressivement mais sûrement, à mesure que les meurtres se succèdent. Des meurtres dont on ne nous épargne d'ailleurs aucun détail, même si on découvre presque toujours la scène de crime en même temps que la police. Un choix de narration très intéressant qui permet au spectateur de se plonger à fond dans l'enquête, là où il aurait été tentant de montrer l'horreur des faits de façon très visuelle, en montrant Guy Georges en train de commettre ses meurtres. L'horreur de cette histoire est pourtant bien présente, mais elle s'installe sur la longueur, au fil d'une enquête qui piétine pendant des années, qui s'emballe soudain à la lumière de nouveaux faits puis qui revient à son point de départ, et à travers la frustration compréhensible des enquêteurs, sans parler de la souffrance palpable des familles des victimes. On notera d'ailleurs que si la vie personnelle de l'inspecteur Franck Magne est affectée par cette difficile enquête, cela n'est montré que par petites touches qui ne viennent jamais alourdir le film ni détourner l'attention du spectateur par rapport à une investigation de plus en plus prenante.



Mais L'Affaire SK1 est aussi une réussite grâce à ses acteurs. Tous sont incroyablement convaincants et même les personnages secondaires bénéficient d'interprétations très fortes. Raphael Personnaz porte le film sur ses épaules sans le moindre problème et Nathalie Baye apporte beaucoup de sensibilité à son personnage. Mais celui que tout le monde retiendra après avoir vu le film, c'est Adama Niane (qui a jusqu'ici essentiellement tourné dans des téléfilms et des séries TV comme Plus Belle La Vie) qui donne au personnage de Guy Georges une dimension incroyablement troublante qui aide le spectateur à comprendre comment il a pu duper les enquêteurs et les juristes chargés de le défendre.

L'Affaire SK1 est un très grand film, mais celui-ci s'adresse avant tout à un public averti, car on ne sort pas indemne de la puissance de ce récit dramatique qui trouve son point d'orgue lors d'un face à face final d'une intensité rare entre Franck Magne et Guy Georges, sans oublier le moment fort qui a marqué un tournant dans le procès de ce dernier. J'ai même envie d'aller jusqu'à dire qu'on tient là un Zodiac (David Fincher, 2007) à la française...

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