Critique ciné : Pacific Rim

Après avoir réalisé "Cronos" (1993), "Mimic" (1997), "L'Échine Du Diable" (2001), "Blade II" (2002), "Hellboy" (2004), "Le Labyrinthe De Pan" (2006), "Hellboy II : Les Légions d'Or Maudites" (2008), le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est engagé par Peter Jackson pour réaliser le dyptique "Le Hobbit" (car il n'était encore à ce moment-là question que de deux films) qui doit servir de prélude à la trilogie "Le Seigneur Des Anneaux". Mais après avoir consacré deux années à ces films qui n'ont connu que galères et retards en tous genre (voir cet article pour les détails de la production mouvementée du "Hobbit"), del Toro quitte le projet en 2010.

Retour en 2006 : le scénariste Travis Beacham (qui rédigera plus tard une première version du script du remake de "Le Choc Des Titans" en 2010) est associé à Guillermo del Toro dans le cadre d'un projet dont il est l'auteur et qui s'intitule "Killing On Carnival Row". Le film ne se fera finalement pas mais le contact entre les deux hommes est établi. L'année suivante, Beacham se promène un matin brumeux sur un ponton de la baie de Santa Monica (Los Angeles) et en regardant l'image presque fantomatique de la digue au loin, il imagine une immense créature émergeant des flots pour attaquer la ville tandis qu'un robot géant chargé de protéger la population l'attend sur la côte. L'idée de départ de "Pacific Rim" est née ! Il imagine plus tard le fait que deux pilotes sont nécessaires pour piloter l'un de ces robots et il finit par vendre une ébauche de script à la société de production Legendary Pictures en 2010. C'est à la même époque que del Toro rencontre cette société pour discuter d'un éventuel projet en commun et son attention est attirée par "Pacific Rim" qu'il désire co-écrire et produire (même si le script ne comporte alors que 25 pages).

Car à ce moment-là, del Toro projette de réaliser une adaptation du roman "Les Montagnes Hallucinées" de Howard Phillips Lovecraft. Ce projet est officialisé en 2010 avec une sortie prévue en 3D, James Cameron à la production et Tom Cruise en tant qu'interprète principal. La production et le tournage doivent débuter à la mi-2011 mais tout est stoppé en mars de cette année par les studios Universal qui sont en désaccord avec le réalisateur sur la classification du film. Del Toro souhaite en effet un film classé R (interdit au moins de 17 ans non-accompagnés d'un adulte, ce qui signifie généralement la présence de langage injurieux et/ou de scènes sanglantes voire gores, mais qui signifie généralement aussi des recettes inférieures à celles d'un film plus grand public) alors que le studio veut un film classé PG-13 (déconseillé au moins de 13 ans et contenant généralement une violence modérée, comme c'est le cas de la plupart des gros blockbusters). Del Toro songera ensuite à proposer son projet à d'autres studios mais il finira par jeter l'éponge en 2012 à la sortie du film "Prometheus" qu'il considère comme ayant trop de points communs avec ce qu'il souhaitait faire sur "Les Montagnes Hallucinées".

L'annulation de l'adaptation de Lovecraft a tellement désespéré Guillermo del Toro en 2011 qu'il s'est lancé dans le projet "Pacific Rim" seulement 3 jours après l'annonce d'Universal. Les acteurs Charlie Hunnam ("Les Fils De l'Homme", mais il est surtout connu pour la série "Sons Of Anarchy") et Rinko Kikuchi ("Babel", "Une Arnaque Presque Parfaite") sont rapidement engagés dans les rôles principaux tandis que Tom Cruise est envisagé pour interpréter l'un des autres protagonistes majeurs. Mais c'est finalement Idris Elba ("28 Semaines Plus Tard", "American Gangster", "RocknRolla", "The Losers", "Thor", "Ghost Rider 2", "Prometheus") qui héritera de son personnage et l'acteur Ron Perlman (qui a participé à 5 des 8 films réalisés par del Toro, notamment dans le rôle de Hellboy à deux reprises) vient clôturer le casting principal fin 2011.

Quand Guillermo del Toro réalise un film, il veut en contrôler tous les aspects dans leurs moindres détails. Il se verra tout de même contraint de lâcher un peu de lest sur la direction des acteurs à cause du délai relativement court (pour lui) dont il dispose pour tourner le film. Mais il tiendra tout de même à superviser l'ensemble des aspects du projet et ira jusqu'à travailler 17 à 18 heures par jour, sept jours par semaine, pour que tout se déroule comme il le souhaite. Il reviendra aussi sur son refus de tourner ou de convertir le film en 3D, en acceptant finalement une conversion en post-production qui prendrait jusqu'à 40 semaines de plus que la moyenne pour tenir le niveau de qualité qu'il désire. Les monstres qui viennent de l'océan sont appelés Kaiju (ce qui signifie "créature étrange" en japonais, mais surtout en référence aux films japonais comme "Godzilla", "Gamera" ou "Mothra", qui sont classifiés sous cette appellation), ils disposent d'un design moderne et spécialement créé pour l'occasion mais ils ont été volontairement conçus pour pouvoir ressembler à un homme dans un costume de latex (en hommage aux films cités ci-dessus). Les robots géants, ou méchas comme on les appelle dans de célèbres mangas/animés japonais comme "Grendizer" ("Goldorak" en VF), "Gundam", "Macross" ou encore "Evangelion", sont ici appelés Jaeger, ce qui signifie "chasseur" en allemand. Le design de chacun des 4 Jaegers principaux a été élaboré en fonction de son pays d'origine. Pour la musique du film, del Toro a fait appel à Ramin Djawadi car il a apprécié ses compositions pour le premier film "Iron Man" ainsi que les séries "Prison Break" et "Game Of Thrones". Et comme lorsqu'il avait travaillé sur le premier film Marvel Studios en 2008, Djawadi a fait appel au guitariste Tom Morello (Rage Against The Machine) pour co-écrire la musique de "Pacific Rim".


L'histoire : pour contrer la menace Kaiju, les hommes ont conçu les Jaegers. Mais ces machines géantes ont bien du mal à contenir le niveau de destruction généré par les monstres venus des mers, et les gouvernements des pays de la côte pacifique envisagent de stopper le projet pour le remplacer par des murs géants tout le long du littoral, au grand désespoir de Stacker Pentecost, le chef militaire en charge des opérations...

Quelle claque !!! Bon OK, j'aurais peut-être dû écrire ça un peu plus bas dans ma critique, surtout parce-qu'il va falloir nuancer cet avis (qui semble de prime abord 100% positif) pour certains aspects du métrage. Mais il n'empêche : si la volonté de del Toro était de nous proposer un film moderne qui rendrait à la fois hommage aux films de monstres et de robots venus du Japon dans un délire visuel complètement assumé, pas sérieux pour un sou mais fait avec passion, alors la mission est accomplie haut la main ! Comment rester de marbre face à ces robots qui ont tous leur propre style de combat (en plus d'avoir des noms super sympas) lorsqu'ils mettent la pâtée à ces Kaiju menaçants et détestables à souhait ? Mais reprenons les choses dans l'ordre : après une courte introduction des événements, le film démarre directement par un affrontement titanesque qui nous met bien dans l'ambiance et nous explique les rouages du truc. Quand le titre "Pacific Rim" apparait enfin après un bon quart-d'heure d'action, c'est à peine si on se souvient qu'on ne l'avait pas encore vu. Tout ça est plutôt bon signe, mais le scénario effectue une sorte de rétro-pédalage puisque, bien que l'on fasse un bon en avant de plusieurs années, on reprend presque tout à zéro (en tout cas en ce qui concerne les Jaegers) histoire de passer par les étapes obligatoires (mais parfois rébarbatives) de l'apprentissage global du fonctionnement général de ces machines. C'est d'autant plus étrange car vu certains des personnages impliqués, on a parfois le sentiment que tout ça n'était pas forcément utile... Heureusement, tout ce qui est montré est loin d'être inintéressant, et on découvre aussi plein d'éléments et de nouveaux personnages hauts en couleurs. Pas sûr toutefois que ce long passage soit aussi passionnant lorsqu'on reverra le film, car il y manque quelque-chose d'assez important : l'action à l'échelle XXL qu'on est venus voir !

Heureusement, au bout d'une bonne heure de film, la réalité tragique revient sonner à la porte de nos personnages, et il est grand temps d'aller sur le terrain pour mettre tout ça en pratique. Et dans ce cas (contrairement aux travaux de Michael Bay à qui on pense forcément), plus c'est long, plus c'est bon ! Aucune bouillie visuelle à signaler, ni même de sentiment d'overdose dans la durée, c'est que du bonheur et j'ai même envie de dire que c'est du jamais vu ! On comprend ce qui se passe à l'écran, les enjeux ont largement été établis auparavant, et on est à fond derrière ces pilotes qui risquent leur vie tout en balançant des bateaux à travers la gueule des Kaiju (scène visible dans les trailers). C'est énorme, c'est jouissif, et on en redemande. Bien sûr, pour adoucir le tout, on n'échappe pas à quelques scènes plus ou moins comiques avec des gens au sol, mais il y en a tellement moins que chez Mr. Bay... D'ailleurs, on ne se repose que le temps de quelques scènes comiques et quelques révélations pour se diriger vers une scène finale explosive, où les enjeux sont à leur paroxysme, qui réussit l'exploit de proposer quelque-chose de différent de tout ce qu'on a vu jusque-là tout en conservant un très haut niveau d'action à gogo. Vraiment de ce côté-là, "Pacific Rim" ne déçoit pas !

(Le scénario ne brille pas par son inventivité, mais ça passe bien, notamment grâce à des personnages attachants...)

Le bon point de ce film c'est de ne pas être une énième suite, reboot ou adaptation d'une licence déjà existante. Et rien que pour ça il mérite d'être vu ! Mais ce produit original manque furieusement... d'originalité ! Le scénario enchaine les rebondissements attendus, voire parfois clichés. Au début on est forcément un peu surpris (surtout vu que tout le reste est tellement bien travaillé), puis ça se répète et on se dit qu'il va bien falloir faire avec. Mais ce manque de surprises va devenir tellement important dès lors qu'on aura bien saisi tous les personnages, leur place dans le film et leur motivation, qu'il faut bien se rendre à l'évidence : tout ça est un petit peu fait exprès ! "Pacific Rim" c'est un petit peu l'adaptation en film "live" de plein d'éléments déjà présents dans notre inconscient (on reconnait régulièrement divers éléments empruntés à droite et à gauche dans des œuvres bien connues), sans avoir finalement l'intention d'innover. Le but est uniquement de nous donner quelque-chose qu'on a toujours eu envie de voir, et c'est en acceptant ce parti-pris que les grosses ficelles de l'histoire deviennent plus faciles à digérer. Et si on regarde bien certains personnages, on est forcés d'admettre qu'il s'agit plus de caricatures comme on en croise dans les films/séries d'animation que de personnages réalistes (à moins que vous connaissiez beaucoup de scientifiques avec une coupe à la Elvis, des bretelles et un nœud papillon). Ça en devient presque amusant de s'amuser à reconnaitre les stéréotypes hyper-habituels qui sont disséminés un peu partout dans "Pacific Rim". En revanche, c'est vrai que si on passe à côté de cet hommage très poussé et généralisé, on risque de s'ennuyer ou de s'énerver un peu devant tant de facilités (apparentes). Mais mine de rien, c'était un sacré boulot d'en réunir autant dans un seul film...

Les personnages ont beau être très typés, ils n'en demeurent pas loin hautement sympathiques et interprétés par des acteurs très bien choisis. En premier lieu, il est impossible de ne pas noter le caractère bien trempé et le physique impressionnant de Raleigh Becket (Charlie Hunnam), le héros principal de cette histoire, qui est loin d'être lisse et bénéficie d'une évolution intéressante au fil du temps. Mais celui dont le charisme fait pression sur tous les aspects de ce scénario, c'est le très impressionnant Stacker Pentecost (Idris Elba) qui réussit le tour de force d'être à la fois autoritaire et paternaliste. Un des meilleurs personnages qu'il m'ait été donné de voir dans un film de ce type ! La belle Mako Mori (Rinko Kikuchi) bénéficie elle-aussi d'une évolution bien marquée tout au long du métrage, et nous épargne heureusement le cliché de la jeune écervelée juste là pour faire la belle. C'est même tout le contraire en ce qui la concerne, et c'est tant mieux ! Les personnages secondaires sont légion, et on retiendra forcément une image d'eux ici ou là, mais parmi les principaux on peut tout de même citer les deux scientifiques qui apportent un côté comique plutôt inattendu et agréable (même si pas toujours très fin) à l'ensemble, ainsi qu'un Hannibal Chau (Ron Perlman) tellement "too much" qu'il apporte lui-aussi un peu de légèreté à l'ensemble !

N'oublions pas de signaler l'excellente partition signée Ramin Djawadi et Tom Morello, dont les marches martiales et les riffs colorés contribuent grandement au succès de l'ensemble !



Malgré quelques (tous petits) défauts, "Pacific Rim" est un concentré de bonheur ! Il est difficile d'expliquer à quel point ce projet semble être la matérialisation, voire l'adaptation en prises de vues (plus ou moins) réelles de tout un tas d'éléments déjà présents dans notre inconscient culturel. Les ficelles sont parfois grosses, les clichés vraiment énormes, mais ça passe tout seul car c'est finalement ce qu'on avait envie de voir transposé sur grand écran dans un film avec des monstres et des robots géants. Attention toutefois, si jamais une suite voit le jour (ce qui n'est pas encore gagné vu que le film a du mal à attirer les foules), il faudra se creuser un peu plus la cervelle pour éviter de basculer des clichés qui font sourire vers les clichés gonflants !

À l'heure où les studios préfèrent nous servir des licences et des concepts déjà usés jusqu'à la corde, "Pacific Rim" fait office d'OVNI et de véritable bouffée d'air frais dans un domaine qui a tendance à se prendre beaucoup trop au sérieux. Et pour éviter de donner raison à ces studios, IL FAUT voir "Pacific Rim" au cinéma. Car en plus d'être d'être un acte militant, il serait dommage de passer à côté d'une telle claque sur grand écran (et voilà, j'ai replacé la claque, la boucle est bouclée) !

Plusieurs jours après avoir vu le film, j'ai encore en tête les personnages, les noms des robots et cette musique qui ne me lâchent pas ! Et si je n'ai pas réussi à vous en convaincre avec cette critique écrite sans spoiler, jetez donc une oreille sur le podcast audio 24FPS que je co-anime en compagnie de Julien. Dans ce 30ème épisode consacré à "Pacific Rim", nous revenons brièvement sur la carrière de Guillermo del Toro avant de donner notre avis sur le film (où vous retrouverez à peu près tout ce que vous venez de lire dans cet article). Mais une fois que le signal sonore retentit, nous reprenons toutes les scènes marquantes du film pour les commenter très en détails du début à la fin du film :


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