Critique ciné : Le Monde Fantastique d'Oz

Au départ il y a un livre pour enfants nommé "Le Magicien d'Oz" ("The Wonderful Wizard Of Oz") écrit en 1900 par L. Frank Baum. Ce classique de la littérature a été adapté sous de très nombreuses formes : une trentaine d'adaptations ou d'hommages sous forme de téléfilms ou d'épisodes de séries télévisées, dix-sept déclinaisons différentes sur les planches (comédies musicales, pièces de théâtre ou ballets), une quarantaine de livres officiels faisant suite au tout premier (Baum a lui-même écrit 13 suites à son roman original), une bonne dizaine d'adaptations en bande-dessinées, à peu près autant d'adaptations sous forme de jeux (dont quelques jeux-vidéo) et des tonnes de références/hommages/réinterprétations dans de très nombreux aspects de la culture populaire (musique, cinéma, littérature, produits dérivés).

Mais les déclinaisons les plus célèbres de cette histoires se sont faites au cinéma, et elles ont commencé dès le début du XXème sècle (dès 1908 pour être précis) sous la forme de films muets. On en dénombre  un peu moins d'une vingtaine aujourd'hui mais l'adaptation la plus célèbre est bien évidemment la comédie musicale réalisée en 1939 par Victor Fleming avec Judy Garland dans le rôle de Dorothy. De très nombreux aspects de ce film révolutionnaire à l'époque de sa sortie sont entrés dans la culture populaire américaine par le biais de dialogues, de décors et surtout des chansons, avec en premier lieu la célébrissime chanson "Over The Rainbow" qui reste toujours à l'heure actuelle l'un des morceaux les plus repris de tous les temps !

Disney n'a jamais adapté directement "Le Magicien d'Oz". La compagnie souhaitait pourtant le faire à la fin des années 30 mais les droits venaient d'être vendus à la MGM (ce qui a débouché sur le chef-d'œuvre de Victor Fleming). Ils ont portant tenté d'adapter les suites du livre original lorsqu'ils en ont acquis les droits dans les années 50 avec pour intention de développer un film et une série TV, mais ces projets n'aboutirent pas. En 1985, Disney retente sa chance avec le film "Oz, Un Monde Extraordinaire" dont le titre français n'indique pas vraiment la véritable orientation puisque son titre original est "Return To Oz" et qu'il s'agit d'une suite plus ou moins officielle du film de 1939. L'époque s'y prêtait particulièrement car les droits d'adaptation du premier livre étaient tombés dans le domaine public et Disney possédait les droits sur les suites. Le seul accord (financier) qui a été passé entre Disney et la MGM pour cette suite concernait les souliers de rubis portés par Dorothy dans le film de 1939 (ils sont en argent dans le livre). Malheureusement, l'ambiance bien trop sombre de cette suite n'a pas attiré les spectateurs et ce fut un échec commercial retentissant. Ce film de Walter Murch avec la toute jeune Fairuza Balk ("Dangereuse Alliance", "American History X", "Presque Célèbre") dans le rôle de Dorothy a aujourd'hui également atteint un statut culte (bien moindre que celui du film de 1939), surtout auprès de ceux qui ont été traumatisés par le film étant petits.

Il a fallu attendre 2009 pour que Disney s'intéresse une nouvelle fois à l'univers d'Oz par le biais du scénariste Mitchel Kapner qui souhaitait développer une histoire centrée sur les origines du fameux magicien d'Oz. À l'été 2010, le réalisateur Sam Raimi (la trilogie originale "Evil Dead", "Mort Ou Vif",  la trilogie "Spider-Man", "Jusqu'en Enfer") rejoint officiellement le projet et celui-ci tient à ce que son film soit à la fois une introduction (non-officielle) et un hommage au film de 1939. Après les refus de Robert Downey Jr. et Johnny Depp, c'est finalement James Franco (qui a déjà travaillé avec Sam Raimi sur la trilogie "Spider-Man") qui hérite du rôle principal de ce nouveau film nommé "Le Monde Fantastique d'Oz", ce qui n'a bien évidemment rien à voir avec le titre original qui est "Oz, The Great And Powerful" et qui n'a absolument pas le même sens puisque c'est surtout une référence au film de 1939 car c'est ainsi que le magicien s'y nomme lui-même. Mila Kunis ("Max Payne", "Le Livre d'Eli", "Black Swan", "Ted"), Rachel Weisz ("La Momie", "Sunshine", "Le Retour De La Momie", "Constantine", "Agora", "Jason Bourne : L'Héritage") et Michelle Williams (la série "Dawson" puis "Brokeback Mountain", "Shutter Island", "My Week With Marilyn") sont engagées pour interpréter les sorcières du pays d'Oz tandis que Zach Braff (l'interprète principal de la série "Scrubs") et la jeune Joey King (qui interprétait Talia al Ghul enfant dans quelques scènes de "The Dark Knight Rises") héritent de second rôles. La musique est composée par Danny Elfman, alors qu'il avait juré de ne plus jamais travailler avec Sam Raimi après "Spider-Man 2" (et c'est pour cette raison que la musique de "Spider-Man 3" est l'œuvre de Christopher Young).


L'histoire : Oscar Diggs est un magicien de foire plutôt roublard dans le Kansas de 1905. Il enchaine les petites arnaques et les jeunes filles à qui il fait des tas de promesses vaines avant de se retrouver transporté au pays d'Oz par une tornade. Là, il va faire la connaissance de trois sorcières et d'une prophétie à propos d'un magicien qui pourraient bien lui donner la chance de montrer le meilleur de lui-même...

Autant être franc : j'ai avant tout été voir ce film par attrait pour le cinéma de Sam Raimi (et aussi pour le film de 1939), au point de zapper qu'il s'agissait d'un film Disney. Il ne faut donc pas oublier (contrairement à moi) qu'il s'agit donc d'un long-métrage destiné en priorité au public le plus jeune pour bien profiter de l'expérience du "Monde Fantastique d'Oz". L'intrigue est plutôt facile (voire commune) et certains des personnages sont sur-joués, mais il serait malvenu de lister cela comme des défauts puisqu'il faut plutôt le voir comme des codes du genre. On note tout de même que Sam Raimi évite soigneusement l'écueil du film chantant (alors qu'on est chez Disney et que le film de 1939 est essentiellement célèbre pour ses chansons) et s'en amuse même lors d'une scène de son film ! Les effets spéciaux sont en général très soignés (notamment en ce qui concerne la petite fille en porcelaine), mais cela ne les rend pas forcément invisibles, ce qui risque de gêner certains spectateurs. Une fois plongés dans le pays d'Oz, on voit bien qu'aucun décor n'est naturel et que le tout a été filmé en studio (et après tout, le film de 1939 était également intégralement filmé en studio) mais certains lieux sont plus agréables à regarder que d'autres qui semblent vraiment trop artificiels. On retrouve tout de même avec plaisir la route de briques jaunes, la cité d'émeraude et de très nombreux éléments qui font le lien avec la comédie musicale culte via des décors, des situations et même une trame générale relativement similaire.

Il n'a d'ailleurs pas été chose simple d'installer une continuité entre les deux films puisque Disney ne possède pas les droits du film de Victor Fleming (et a d'ailleurs soigneusement évité d'avoir à les payer). Ces droits, qui appartenaient à l'origine à la MGM, sont aujourd'hui détenus par Warner Bros. qui est un studio concurrent de Disney et ce n'est pas parce-que l'œuvre de L. Frank Baum est tombée dans le domaine public qui 'il en va de même pour les éléments spécifiques du film de 1939. Mais les deux films se suivent parfaitement et le scénario original de ce nouveau voyage au pays d'Oz a été écrit avec suffisamment de finesse pour que les deux histoires ne se contredisent pas et bénéficient même d'une certaine continuité visuelle. Chapeau !

(Michelle Williams est sublime dans le rôle de Glinda.)

On déplorera tout de même le jeu un peu poussif de Mila Kunis qui en fait parfois un peu trop dans le rôle de Theodora. C'est évidemment dû à son personnage mais on voit que l'actrice en fait des tonnes et ce n'est pas avec ce type de personnage qu'elle est la plus à l'aise. Rachel Weisz tombe moins dans la caricature avec Evanora mais peine également à rendre son personnage vraiment crédible car on dirait qu'elle ne sait jamais vraiment sur quel pied danser. C'est dommage car ces deux protagonistes sont tout de même très importants dans le film et leurs interprétations parfois maladroites pourront sortir le spectateur de l'intrigue de temps à autre. Heureusement, on ne peut pas en dire autant de James Franco et Michelle Williams qui interprètent des personnages infiniment différents mais qui se complètent à merveille. James Franco est toujours aussi séduisant et attachant mais son personnage est un peu trop régulièrement détestable pour qu'on ait vraiment envie de s'y attacher et Michelle Williams est tellement parfaite (mais très lisse) dans le rôle de Glinda qu'elle pourrait bien devenir une nouvelle princesse culte de la célèbre compagnie de Mickey. Finalement, les personnages les plus intéressants se trouvent plutôt du côté du singe volant Finley (Zach Braff) et surtout de la petite fille en porcelaine (Joey King) qui hérite de la scène la plus touchante du film.

La partition musicale de Danny Elfman est en revanche très classique et totalement convenue pour le genre. On ne reconnait même pas le style habituel du compositeur tant les mélodies et les orchestrations évoluent ici du côté de ce qu'on est en droit d'attendre d'une grosse production Disney sans originalité.



Sans être un ratage complet, "Le Monde Fantastique d'Oz" déçoit tout de même par son manque d'ambition visuelle et ses personnages trop mal construits pour être véritablement intéressants. Malgré la présence de Sam Raimi à la réalisation, le produit fini est bien trop calibré pour être véritablement original et ne séduira que le public familial le plus large. Les fans du "Magicien d'Oz" de 1939 s'amuseront à y trouver toutes sortes de références, d'hommages et d'éléments qui assurent la continuité (non-officielle) entre les deux films et le grand public amateur d'histoires féériques y trouvera son compte, mais cette nouvelle production ne risque pas d'atteindre le statut culte de son ainée et on imagine mal que quiconque s'en souvienne vraiment d'ici quelques mois...

Dommage, on était en droit d'en attendre davantage, surtout de la part d'un réalisateur comme Sam Raimi...

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