Critique ciné : Super 8

Dès le premier teaser, ça avait l'air alléchant, violent, sombre et bien mystérieux. Et dès la première véritable bande-annonce, on découvrait un univers rappelant furieusement le bon vieux cinéma de Steven Spielberg (qui est producteur de "Super 8"). Donc jusque-là, c'était plutôt cool, surtout pour quelqu'un (comme moi) qui place un film comme "Rencontres Du Troisième Type" (1977) au panthéon de sa vidéothèque personnelle.

Mais lorsque le cinéma de Spielberg est tellement mis en avant (sur les affiches) qu'il en devient un argument marketing, là ça commence à me gêner. Est-ce que J.J. Abrams ("Alias", "Lost", "Fringe", "Mission Impossible III", "Star Trek") se serait contenté de pomper tonton Steven (façon de parler) pour faire son nouveau film, ou est-ce qu'il s'agit simplement d'un hommage appuyé à l'homme qui a révolutionné le cinéma de fiction dans les années 70/80 mais avec un traitement digne du XXIème siècle ? Voilà la question que je me posais en entrant dans la salle...

("Tout va changer" : la phrase d'accroche la plus vide de sens de toute l'histoire du marketing ciné)

L'histoire : en 1979 dans une petite ville de l'Ohio, une bande de jeunes cinéastes amateurs occupe son été en réalisant un film de zombies à l'aide d'une caméra Super 8. Durant le tournage d'une scène, ils vont être témoins du déraillement spectaculaire d'un train militaire dont le contenu avait certainement plus d'importance que ce que laissent penser les déclarations évasives de l'armée...

OK, crevons l'abcès tout de suite : "Super 8" risque de décevoir en masse les spectateurs qui avaient été accrochés par le premier teaser. Même si le métrage s'articule autour de ce qui était dans le train et des conséquences de sa libération, ce n'est pas vraiment cette histoire-là qui est au cœur du film ! La véritable histoire est celle d'une bande de gamins confrontée à des événements extraordinaires, mais aussi à des difficultés assez ordinaires quand on a moins de 15 ans et qu'on habite une petite bourgade du Middle-West des Etats-Unis à la fin des années 70.

(C'est à moi que tu parles, zombie ?)

Ceux qui attendaient un gros film de SF conspirationniste original et inédit risquent donc de s'ennuyer pendant près de 2 heures en assistant aux tribulations d'une bande de mômes. Mais les "mômes" en question sont plutôt attachants et j'ai personnellement passé un très bon moment en leur compagnie ! Les deux principaux protagonistes (visibles sur l'affiche ci-dessus) interprétés par Joel Courtney (le petit Joe) et Elle Fanning (la petite Alice) sont particulièrement convaincants et leurs petites bouilles ne devraient laisser personne de marbre. Les autres gamins sont tout aussi sympathiques et on retient vite le caractère de chacun, particulièrement celui qui vomit n'importe-quand ou celui dont le seul intérêt dans la vie se résume à mettre le feu à tout ce qui ressemble à un feu d'artifice ou un pétard...

On ne peut pas en dire autant des adultes ! Ceux-ci sont pourtant très bien interprétés (dont un par le sympathique Kyle Chandler) mais force est de constater qu'ils ne servent quasiment à rien. Leurs "histoires de grands" apportent peut-être un peu d'émotion à certains passages du film mais dans l'ensemble s'ils n'étaient pas là ça ne changerait pas grand-chose au scénario. Dommage, du coup ça fait un peu remplissage pour rien...

(Tout ce qui est petit est mignon, tout ce qui est grand est inutile !)

Le scénario est d'ailleurs loin d'être irréprochable. Là où on était en droit d'attendre quelque-chose d'incroyablement original de la part de J.J. Abrams, on n'a finalement droit qu'à une enfilade de grosses ficelles, de clichés du genre et même de situations qui frisent le ridicule absolu vers la toute fin du film, sans mentionner quelques sous-intrigues à la limite de l'inutile. Quel dommage ! Heureusement que la pilule passe grâce à la sympathique bande de copains...

L'aspect "fin des années 70" est très bien rendu par le biais de tout un tas de costumes et d'accessoires d'époque. Quant aux effets spéciaux, ils sont de très bonne qualité mais ils sont loin d'être omniprésents, ce qui est un peu bizarre pour ce genre de film. A part la scène du déraillement du train, il n'y a finalement pas grand-chose d'autre à se mettre sous la dent au niveau "grand spectacle". Et à bien y réfléchir, elle est vraiment très impressionnante cette scène, à la limite du "too much" quand on sait à quelle vitesse roulent les trains de marchandises aux Etats-Unis... Mais bon, au moins on en prend plein les mirettes à ce moment-là !



"Super 8" n'est donc clairement pas le blockbuster SF à grand spectacle qu'on attendait ! Mais il reste tout de même un très bon divertissement porté par de jeunes acteurs talentueux et touchants ainsi que par une mise en scène soignée. Le scénario n'est ni surprenant ni passionnant, mais il est juste suffisant pour passer un bon moment. Les références à "Rencontres Du Troisième Type", "E.T." et "Les Goonies" (film produit et écrit par Spielberg) sont flagrantes mais on ne s'approche jamais du génie de ces films-là. Ça rappelle aussi parfois "Cloverfield" réalisé par Matt Reeves (ami d'enfance de J.J. Abrams) qui a lui aussi fait ses débuts d'amateur grâce au format Super 8, tout comme J.J. Abrams et Steven Spielberg qui ont d'ailleurs voulu rendre hommage à ce format grâce à ce sympathique film que je reverrai avec plaisir...

En conclusion, revenons sur cette histoire de cinéma de Spielberg : pour moi, avec "Super 8", J.J. Abrams a réalisé un film pop-corn typique des années 70/80 où on promet beaucoup et on montre finalement assez peu. Ça a déjà été fait 793 459 fois par des tas de gens, ça s'appelle le cinéma de série B (voire parfois de série Z quand le résultat est vraiment ridicule) et la seule différence c'est qu'ici ça a été fait avec de très gros moyens hollywoodiens.
Et c'est là que je ne suis pas du tout d'accord avec la campagne marketing de "Super 8" ! Car ce qu'a fait Steven Spielberg dans les années 70/80, c'était de prendre des concepts dignes de série B et d'en faire de grands spectacles où il se donnait les moyens de mettre en scène ce qu'on ne voyait jamais dans les films à petit budget. Ça a donné des chef-d'œuvres comme "Les Dents De La Mer", "Rencontres Du Troisième Type", "E.T." ou la trilogie "Indiana Jones" (oui, c'est une trilogie, il n'y a jamais eu de 4ème film !).

"Super 8" est donc l'antithèse de ces bons vieux film : c'est un blockbuster hollywoodien qui accouche d'une (bonne) série B tandis que tonton Spielberg avait fait exactement l'inverse !

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