Critique ciné : Conan

Conan le Cimmérien est une icône de la littérature d'heroïc-fantasy, et par extension une icône de la culture geek. Créé en 1932 par le romancier Robert E. Howard, il a depuis été décliné sous diverses formes telles que des comics, des jeux-vidéo, des jeux de rôle, un dessin animé, une série télévisée et bien sûr des films !

Dans l'inconscient collectif, l'image de Conan est souvent liée à celle de l'acteur Arnold Schwarzenegger puisqu'il l'a incarné à deux reprises sur grand écran, dans "Conan Le Barbare" en 1981 puis dans "Conan Le Destructeur" en 1984. Les deux films connurent un énorme succès commercial (surtout le premier) mais le phénomène s'essoufla en 1985 avec l'échec critique et commercial du film "Kalidor" qui était centré sur le personnage de Red Sonja (une autre création de Robert E. Howard) et dans lequel Schwarzenegger devait à nouveau incarner le célèbre barbare. Mais le nom de Conan ne pouvant être utilisé à cause d'un problème de droits, le personnage fut finalement renommé Kalidor.

Un troisième film nommé "Conan Le Conquérant" fut mis en chantier au milieu des années 90 mais Schwarzenegger refusa de reprendre le rôle qui l'avait rendu célèbre et son remplaçant Kevin Sorbo (la star de la série TV "Hercule") ne souhaitait pas incarner un personnage qui avait déjà été joué par un autre acteur. Le principal protagoniste du film fut donc renommé Kull (encore un personnage issu de l'œuvre de Robert E. Howard) et le film "Kull Le Conquérant" sorti en 1997. Ce métrage de qualité très moyenne ne réussit pas à relancer le genre et on n'entendit plus parler de Conan au cinéma pendant un moment...

Mais c'était sans compter sur le réalisateur allemand Marcus Nispel, grand spécialiste des remakes (il n'a pour l'instant fait que ça à Hollywood) qui a ré-imaginé "Massacre A La Tronçonneuse" en 2003, "Pathfinder" en 2007, "Vendredi 13" en 2009 avec des qualités très variables, et aujourd'hui une nouvelle version de "Conan The Barbarian" en 3D, simplement renommée "Conan" pour la France.


L'histoire : Conan est un guerrier dont la naissance et la jeunesse ont été bercées de tragédies. Mais ses dons pour le combat et ses pérégrinations vont lui donner l'occasion de se venger de celui qui a exterminé son peuple...

Si le point de départ de l'aventure rappelle un peu celui du premier film consacré à Conan par John Milius en 1981, les deux films n'ont pourtant absolument rien en commun, si ce n'est les premiers mots prononcés par la voix off dès le début du métrage.

Dès la scène d'introduction (la naissance de Conan), on comprend qu'on ne va pas avoir droit à un traitement réaliste et crédible du personnage et de son univers. Bon OK, il s'agit d'heroïc-fantasy avec des guerriers surpuissants et des sorciers maléfiques, mais il y a tout de même certaines choses qui arrivent à rendre tout ça crédible (lorsque c'est bien fait) et on en est très loin dans cette nouvelle adaptation du personnage culte de Robert E. Howard.
Exemple (spoiler) : un gamin d'une dizaine d'années qui massacre plusieurs méchants à mains nues, c'est déjà difficile à avaler. Mais lorsque le même personnage se retrouve en difficulté (sans raison apparente) 20 ans plus tard devant un seul guerrier, c'est toute la crédibilité du film qui s'effondre !

(euh... t'es pas censé la sauver, elle ?)

Le scénario (si tant est qu'on puisse appeler ça comme ça) se contente d'enchaîner les décors et les scènes de combat (qui se ressemblent toutes) sans la moindre transition. Les motivations du héros sont incompréhensibles tant elles se contredisent d'une scène à l'autre et les aberrations sont légion ! Exemple (spoiler) : comment est-il possible qu'un personnage qui débarque d'un bateau pour se réfugier dans une grotte située dans les falaises de la côte se retrouve dans une forêt lorsqu'il retourne au bateau ? Exemple 2 (spoiler) : ça vous paraît logique que le captif le plus costaud d'une prison puisse s'y balader tranquillement avec seulement une paire de menottes aux poignets tandis que les autres prisonniers qui meurent de faim sont enchaînés au plafond ?

Non mais sérieusement, lorsque les trous et les raccourcis du scénario (et il y en a plein d'autres dans ce genre) atteignent ce niveau de foutage de gueule, on ne peut qu'en conclure qu'il a été sciemment décidé de prendre le spectateur pour un con. Et ça faisait longtemps que je n'avais pas vu une fin aussi nulle et vide de sens...

Jason Momoa ("Alerte A Malibu", "Stargate - Atlantis", "Le Trône De Fer") incarne le nouveau Conan à l'écran. Si physiquement ça pourrait à peu près convenir (alors que certains seconds rôles sont plus barraqués que le héros, mais bref), le jeu très monotone de l'acteur n'arrive jamais à rendre son personnage intéressant et convaincant. Il se contente de lancer des sourires en coin à ses amis, de baisser la tête et de froncer les sourcils face à ses ennemis, puis il bondit partout lors des scènes d'actions. Voilà, c'est tout, et c'est comme ça pendant tout le film !

(vous en connaissez beaucoup, des méchants qui attendent 20 ans pour finir leur quête, histoire d'être bien sûrs que le héros sera assez grand pour les défoncer ?)

Les autres acteurs ne sont pas beaucoup plus expressifs et se contentent d'être des caricatures de leurs rôles : le grand méchant est très très vilain et veut conquérir le monde (sauf qu'à part au tout début du film, on ne le voit jamais vraiment perpétrer d'actes qui pourraient le rendre véritablement détestable, et il se déplace en bateau même au milieu du désert, ce qui est profondément ridicule), la sorcière (pourtant interprétée par la pas trop mauvaise Rose McGowan) se repose essentiellement sur son maquillage hideux et ses mimiques hyper-clichés tandis que la donzelle en détresse (la plutôt canon Rachel Nichols avec ses faux airs de Jodie Foster) se contente de se retrouver dans des situations de merde et de hurler afin que Conan vienne la sauver. D'autres personnages secondaires viennent prêter main forte à Conan ici et là mais ils sont tellement anecdotiques qu'on oublie leur existence bien avant la fin du film.
Mention spéciale à Ron Perlman ("Hellboy", "Sons Of Anarchy") tout de même, qui est assez juste dans le rôle du père de Conan !

Signalons que tous ces personnages (Conan compris) n'ont pas non-plus l'occasion de briller lors des scènes de dialogues dont le vocabulaire limité et les phrases pré-mâchées contribuent au naufrage de cette catastrophe cinématographique.

Les effets spéciaux ne sont pas légion (une grosse bête qu'on voit mal, du sang qui gicle à chaque coup d'épée, des décors, de très rares tours de magie) mais au moins ils ont le bon goût de n'être ni trop ratés ni trop visibles. Quelques ralentissements inutiles (n'est pas Zack Snyder qui veut !) ponctuent parfois des scènes d'action qui ont du mal à rester lisibles et vraiment passionnantes.

Ah, et j'allais oublier : la 3D n'apporte rien du tout ! Mais était-ce vraiment nécessaire de le préciser ?



"Conan" n'est pas seulement un ratage, c'est surtout un gros doigt d'honneur aux amateurs de fantasy qui attendaient un film mature et bénéficiant des avantages du cinéma du XXIème siècle ! Un ennui profond : c'est tout ce que j'ai ressenti pendant près de 2 heures, avec toutefois quelques sursauts lorsque je relevais de bien trop nombreux défauts dans le scénario. Faire gicler du sang à chaque coup d'épée ne suffit pas à faire un film mature (et pas si gore que ça au final), et on joue plutôt ici dans la cour de métrages comme "Le Roi Scorpion" avec des bouts de "Pirates Des Caraïbes" et "Le Choc Des Titans" ici et là, en beaucoup moins bien ! "Conan" n'est ni plus ni moins qu'un spectacle décérébré qui s'adresse à un public tout aussi décérébré, à peine digne d'une soirée DVD entre potes...

Profitons plutôt de cette occasion pour (re)voir le fabuleux "Conan Le Barbare" de 1981 ! John Milius y avait mis en image un personnage imposant et charismatique (qu'on n'aime Schwarzenegger ou pas) en respectant les codes de la fantasy pour adultes dans un univers sans pitié et bien loin des conventions cinématographiques du genre. Un chef-d'œuvre accompagné d'une musique somptueuse qui ne connaît toujours pas d'équivalent ! Les suites sont en revanche bien plus communes et peuvent être oubliées...

Commentaires

Saki a dit…
j'avais envie, mais là j'ai pu trop envie, surtout à 10€...
Kirby a dit…
Entièrement d'accord avec toi, ratage total!

Effet spéciaux dignes de films des années 70, scénario quasiment inexistant et couru d'avance, un ennuis profond, des scènes d'actions à la ramasse et j'en passe.

En plus j'aimais bien Jason Momoa dans Stargate Atlantis en tant que grosse brute, mais je pense qu'il a certaines limites. Il convient pour une série comme Stargate mais pas au delà...

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